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parce qu’il implique le maximum de collaboration forcée entre le contribuable et le fisc.

Faut-il nous attarder aux trois défauts que M. le ministre des Finances découvre dans notre régime fiscal ? Le premier est de manquer de souplesse : nous avouons humblement ne pas savoir ce que cela veut dire. On peut trouver que nos impôts ne sont pas parfaits, et en effet ils ne le sont pas, mais les accuser de manquer de souplesse alors qu’on les a augmentés, sans qu’ils aient fléchi, de 700 millions après la guerre, et de trois milliards en quatre-vingts ans, est un non-sens absolu. S’ils ont laissé une trop large place aux privilégiés, — et c’est leur second défaut aux yeux exercés de M. Caillaux, — rien n’aurait été plus simple que de faire porter sur ce point la réforme ; tout le monde s’y serait prêté ; mais il aurait fallu pour cela corriger l’édifice et non pas le renverser. Nous en dirons autant du troisième défaut qui est, paraît-il, de renfermer des « coins de démagogie. » Puisse le nouveau n’y en renfermer que des coins ! « En un mot, a conclu M. le ministre des Finances, notre fiscalité actuelle est disparate et fragmentaire. S’il m’était permis de me servir d’une image, je dirais que notre régime d’impôts m’a fait souvent souvenir d’un de ces anciens corps de logis que nous rencontrons dans nos campagnes, qui datent de plusieurs siècles et auxquels des propriétaires successifs ont juxtaposé des pavillons de tous les styles, construits au hasard, dont ni l’architecture, ni les proportions ne s’accordent. » Ces constructions, qui choquent le goût de M. Caillaux, sont parfois très commodes à habiter, précisément parce qu’elles sont l’œuvre spontanée du temps et qu’elles correspondent à des besoins successivement sentis. Nous nous défions quant à nous des constructions régulières et homogènes, ou qui ont la prétention de l’être. Mais est-ce vraiment le cas de celle que M. Caillaux nous impose ? Il en a emprunté une partie à l’Angleterre, une autre à l’Allemagne, — et le reste à M. Jaurès.

Il n’a pas été difficile à M. Aynard, qui est maître en la matière, de réfuter tant de sophismes, et de mettre une fois de plus au grand jour les vices de la réforme. Cette réforme est faite d’hypothèses en ce qui concerne le rendement attribué à certains impôts, et d’inquisition administrative. Son but est de surcharger arbitrairement une classe de contribuables : c’est ce qu’on appelle la justice fiscale. La conséquence pourrait bien être de compromettre la fortune de la France. Discours prophétique, on le verra dans quelques années. Celui de M. le ministre des Finances flagornait l’assemblée, la couvrait