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les égaremens du cœur, il noue une triple liaison avec Odette de Versanne et Fernande Chantai, la femme et la maîtresse de son ami Lucien de Versanne, et avec une divette de music-hall, Vivette Lambert. Alors ?… Georges Boullains n’est pas beau ; il n’a plus l’âge de Chérubin ; et il n’est pas doué d’une intelligence remarquable ; même on le traite familièrement d’imbécile. Et avec tout cela il est irrésistible ! Arrangez cela comme vous pourrez ! Il fuit des conquêtes sans le vouloir et sans le savoir. C’est ainsi que Micheline s’éprend de lui. Bizarre petite créature, cette Micheline, fille d’un peintre bohème ayant hérité de son père le goût de la vie indépendante et « en marge » de la société, et consternant son tuteur le diplomate de Versanne par ses allures garçonnières et ses propos pittoresques. Elle a beau se jeter à la tête de Georges, celui-ci s’obstine à ne pas comprendre. — Tel est ce premier acte très gai, très vivement mené, le meilleur de tout l’ouvrage.

Vous dirai-je comment Georges est mis en demeure de choisir entre Odette et Fernande, et comment, pareil à l’historique âne de Buridan, il renonce à se décider ? Ou voulez-vous voir, sur le coup de quatre heures du matin, Micheline entrer par la fenêtre, et proposer à Georges une promenade en mer ? J’entends parfois dire que, depuis quelques années, l’éducation des jeunes filles a beaucoup changé. Il est bien vrai que jadis une jeune fille honnête y aurait regardé à deux fois pour entrer la nuit chez un célibataire, et par la fenêtre encore. Et Micheline est honnête. Elle le prouve bien par l’aveu qu’elle fait de son amour à cet imbécile de Georges, qui décidément ne veut rien savoir et qu’il faut bourrer d’injures. Mais doutez-vous un seul instant que Georges n’épouse Micheline, et que cela ne fasse le plus heureux ménage… pour trois ans ou six semaines ?

Mme Marthe Régnier, qui est, depuis quelque temps, devenue une spécialiste pour les rôles d’ingénues mal élevées, est une excellente Micheline. M. Gaston Dubosc, dans le rôle de Georges Boullains, est plaisant à souhait : par sa belle humeur, son bon-garçonnisme et sa naïve inconscience il sauve ce que le personnage a — disons de trop peu chevaleresque. M. Dumény est, en Lucien de Versanne, d’une irréprochable élégance.


C’est une idée ingénieuse qu’ont eue MM. Pierre Veber et Serge Basset de nous donner un drame ou une comédie de la vie de collège. Il ne me semble pas qu’il y eût de « précédons. » Et rien n’étant plus rare qu’une idée neuve, empressons-nous de la saluer.