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Le spectacle est instructif, un peu déconcertant pour des lecteurs français, mais d’autant plus instructif. Dans nos collèges, la grande affaire est d’apprendre. L’élève est porté, à travers programmes, « cycles » et règlemens, jusqu’au terme de ses études et aux examens qui les consacrent. Rien de tel, à l’United Services Collège, Westward Ho ! Bideford, North Devon, — ni sans doute aux autres pépinières du même genre, où M. Rudyard Kipling se réjouit de voir pousser la robuste plante anglaise, capable de s’acclimater ensuite aux Indes, en Birmanie, en Australie, au Canada, à Hong-Kong ou dans l’Afrique australe. Ce n’est point ici le lieu de rappeler l’organisation si particulière des collèges anglais, ces cités autonomes où chaque maître est un chef de famille à peu près indépendant sous la suzeraineté du chef de la cité. Des garçons y grandissent, venus là non point tant pour recevoir les leçons des maîtres que pour se donner celles de la vie commune. L’étude n’est pas l’unique affaire, ni peut-être la principale. Dans le collège de Stalky, nous ne voyons jamais les collégiens au travail, et nulle part on ne nous dit qu’ils y soient quelquefois. Mais nous les voyons s’organiser en équipes occupées à se rosser méthodiquement, à régler chacune pour soi ou toutes entre elles leurs intérêts et leurs jeux, à cultiver chez leurs associés la résolution, l’initiative, la solidarité et l’indépendance. Ils sont âpres à se défendre et féroces à se venger, — une férocité de collège, qui n’a rien de tragique, mais leur fait accomplir des prodiges pour adapter dans chaque affaire le châtiment à l’offense. Tous les moyens leur sont bons, et les pires sont les meilleurs, pourvu qu’ils sortent de la situation même, utilisent les circonstances, les retournent et tirent la victoire de ce qui semblait préparer et annoncer la défaite. Ce sont des artistes en leur genre : la parfaite exécution est chez eux une coquetterie et un point d’honneur. Prenez-y garde : vous n’êtes pas, en présence de ces adolescens, devant des sensibilités qui s’emportent, mais devant des énergies qui s’entraînent et des volontés qui s’affirment. Il n’y a nulle colère dans leur brutalité, nulle passion dans leurs violences. Leurs plus méchans tours sont raisonnés froidement, perpétrés avec méthode. Vous retrouverez de la discipline jusque dans leurs rébellions, et ils ne se dérobent à des règlemens que pour se donner des lois. Ou plutôt, ils ne se les donnent pas : ils les ont en eux, comme une organisation naturelle et spontanée, que la vie collective du collège maintient et