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plus agréables que ses autres mouvemens de passion. Il la tient pour plus digne d’amour que toutes les personnes auxquelles il s’est intéressé jusque-là.

Ces aveux réjouissent son gouverneur. Il explique à son élève, non sans un certain pédantisme, la différence qui existe entre « l’amour vrai » que lui inspire la princesse et les désirs, « l’émotion physique » que d’autres femmes ont éveillés en lui. « L’amour vrai, pour le bon motif, » porte en soi quelque chose de divin. Il tient surtout aux qualités de l’âme. « Il ne peut connaître les transports de la volupté ! Il est éternel et plus il se développe lentement, plus il est solide à l’avenir. » A lire ces démonstrations, on dirait Mentor chapitrant Télémaque.

Il n’en est pas moins certain que voilà le grand-duc amoureux pour tout de bon, et du même coup, la petite princesse toute changée. Étonnée d’abord, bientôt convaincue et ravie ; son cœur se donne sans retour. Elle en instruit sa mère, qui n’en est pas surprise, car elle a prédit ce changement. « Le grand-duc me plaît beaucoup et il paraît qu’il m’aime aussi. » Il attend Pâques avec impatience, lui a-t-il dit ; alors il osera lui serrer la main ouvertement. « A présent, il le fait quelquefois sous la table, et d’ailleurs, il saisit toutes les occasions possibles où l’on ne nous voit pas pour le faire. » À cette heure, le mariage est décidé ; les fiançailles seront célébrées prochainement. De Bade, les parens envoient leur autorisation, et on instruit la fiancée de demain en vue de son abjuration, qui aura lieu au mois de mai.

C’est un délicieux moment pour la future grande-duchesse. Choyée, entourée, flattée et tendrement aimée, elle marche comme dans un rêve. A tout instant, le grand-duc vient dîner avec les deux sœurs. Ce sont alors des serremens de main sous la table, et aussi des petits billets échangés furtivement. Le grand-duc Nicolas n’en a retrouvé qu’un et postérieur aux fiançailles. Il est signé par la fiancée et permet de se faire idée de ceux qui l’ont précédé et suivi :

« Mon cher ami, vous me dites que j’ai le bonheur d’une certaine personne en main. Ah ! si c’est vrai, son bonheur est assuré à jamais. Je l’aimerai, il sera mon ami toute ma vie, à moins d’une punition céleste. C’est lui qui m’a appris à me confier trop sur moi-même ; il a raison, je l’avoue. Il tient le bonheur de ma vie dans ses mains : aussi, il est certain de me