Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de laborieuses recherches à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Darmstadt, à Carlsruhe lui ont fait découvrir ; il a pu réunir en outre un grand nombre de portraits dont la reproduction lui a paru devoir accroître l’intérêt de son livre. Grâce à lui, ce livre, qui d’abord s’annonçait comme une simple biographie, est devenu un superbe recueil des correspondances d’Elisabeth, qui n’aura pas moins de trois volumes, enrichis par ces portraits, et dont le premier est sous nos yeux.

Dans celui-ci, les lettres que la princesse écrivit à sa mère, la margrave Amélie de Bade, de 1792, époque de son arrivée en Russie, à 1801, date de l’avènement d’Alexandre, tiennent la plus grande place. Elles embrassent les dernières années du règne de la grande Catherine et tout le règne de Paul Ier, c’est-à-dire la plus attachante période de l’histoire russe. Mais, ce qui en rehausse le prix et en forme le principal attrait, c’est qu’elles constituent, à vrai dire, une peinture des mœurs de la cour moscovite, que mettent en lumière tant de menus détails racontés par la princesse à sa mère, sur sa vie de tous les jours ; c’est surtout la candeur des aveux qu’elle lui fait, au fur et à mesure que son cœur s’éveille à l’amour. Ses fiançailles, avec leurs préliminaires et leurs lendemains, son mariage, ses étonnemens, ses joies, ses espoirs nous donnent l’impression d’un roman tout à fait exquis, dont l’intérêt n’est jamais suspendu, même quand des événemens comme la mort de Catherine et l’assassinat de Paul Ier viennent l’assombrir.

C’est ce roman, qu’à l’aide des lettres d’Elisabeth et des attachans résumés d’histoire, par lesquels le grand-duc Nicolas les complète, je m’efforce de faire revivre dans les pages qui suivent.


I

De tous les souverains dont l’histoire a gardé le souvenir, il n’en est pas qui ait été, à un plus haut degré que l’impératrice Catherine, jalouse de son autorité, ni qui ait régné plus despotiquement. Elle était fidèle en cela aux traditions autocratiques que lui avaient léguées ses prédécesseurs, et d’autant plus disposée à s’y conformer qu’elle avait cruellement souffert d’être restée trop longtemps en tutelle, du vivant de son mari, le tsar Pierre III. On sait comment elle fut débarrassée de