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l’histoire. Au point de vue pratique, c’est un parti politique, social et religieux (quoique anti-religieux), un parti de combat pour qui tous les moyens sont justifiés en vue de la révolution sociale. Ce parti a obtenu d’importantes réformes, dont il faut lui savoir gré, mais ces réformes étaient compatibles avec les doctrines qui lui sont opposées. Scientifiquement jusqu’à nos jours, le socialisme n’existe pas.

La vraie science des sociétés n’est à l’avance ni socialiste ni individualiste. Elle étudie d’abord le réel et s’efforce, — tâche déjà énorme, — d’en saisir tous les principaux élémens, toutes les lois dominantes, ainsi que les grandes réactions des faits sociaux les uns sur les autres. Quand elle devient sociologie appliquée, elle cherche ce qui est désirable au point de vue juridique, moral et économique ; puis elle se demande quelles modifications de la réalité sont actuellement possibles en vue de cet idéal. Elle peut même se livrer, dans ses inductions dernières, à des spéculations sur la réalité à venir ; mais elle les présente comme des conjectures, non comme des faits déjà acquis ou comme des principes évidens au nom desquels on aurait le droit de soulever les peuples. Notre devoir scientifique et notre devoir moral nous prescrivent également d’être réformistes, aussi largement et aussi radicalement qu’il est possible : ils nous défendent de nous enfermer dans des systèmes incomplets, soit économistes, soit socialistes, qui, en se donnant comme le tout, ne peuvent que tromper et fausser les consciences.

Il se produit sous nos yeux un phénomène digne d’attention. Considérez toutes les prémisses théoriques du socialisme, — valeur adéquate au travail, sur travail, plus-value, revenu sans travail, division tranchée et antagonisme des classes, matérialisme historique, théorie catastrophique, triomphe final de la masse des prolétaires, devenue de plus en plus grande, sur le nombre décroissant de capitalistes qui détiennent la fortune, etc. ; toutes ces prémisses ont été renversées l’une après l’autre, ou ramenées, comme nous l’avons fait voir, à des exagérations et déformations de maux trop réels. Et cependant, les socialistes continuent de soutenir toutes les conclusions qui découlaient de ces prémisses ruinées : abolition ou mutilation de la propriété privée, établissement de la propriété collective, répartition des travaux et des salaires par la collectivité, communisme final. C’est comme si un physicien enseignait encore toutes les