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Le triomphe du syndicalisme révolutionnaire serait pour la France une nouvelle révocation de l’édit de Nantes. Les grands chefs de l’industrie fuiraient à l’étranger, comme s’enfuirent en Allemagne ceux du XVIIe siècle, qui devaient contribuer à la prospérité économique de nos futurs vainqueurs. Mais une nation éclairée ne consentira jamais ainsi au renversement de ce qui est, sans savoir ce qu’on mettra à la place.


V

Concluons que, malgré la qualification adoptée par Marx, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir à notre époque de socialisme scientifique, encore moins de collectivisme scientifique, encore bien moins de communisme scientifique. Tous ces termes préjugent ce qui est en question ; tous expriment des conclusions non démontrées ; or, la vraie science ne commence pas par conclure. Conclusion anticipée, c’est conclusion sophistiquée.

Bien plus, le socialisme actuel est non-scientifique par nature même et par définition. En effet, est socialiste tout système qui admet que l’abolition de la propriété privée, de l’offre et de la demande, de la légitime concurrence sous les lois de la commune justice, constitue un régime désirable, possible, certain dans l’avenir. Or, ce sont trois postulats qui échappent nécessairement à la démonstration, les deux derniers surtout. Un système qui prononce dogmatiquement : « il faut abolir, on peut abolir, on abolira de fait la propriété individuelle, » un tel système se place en dehors de la science ; il s’y place encore plus que l’économisme traditionaliste, qui déclare que le régime actuel de la propriété est le seul désirable, le seul possible, le seul qui sera réel dans l’avenir. Le socialisme ne peut être aujourd’hui qu’une opinion, vraie ou fausse en elle-même, une foi, une figuration d’un avenir inconnu ; il ne peut pas être de la science. Il n’a donc pas le droit de se parer de cette étiquette, pour persuader à la masse qu’au lieu d’hypothèses il tient la certitude et que, l’avenir lui étant assuré, il a le droit de confisquer le présent.

Au point de vue théorique, c’est une construction en grande partie imaginaire, fondée sur des emprunts incomplets et souvent inexacts à l’économie politique, à la sociologie, à