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comme partout, le point de vue scientifique, méconnu du socialisme « scientifique, » est celui de l’interdépendance.

Ajoutons que la division simpliste de la société en deux classes est inadmissible. Où sont les purs prolétaires et les purs capitalistes ? Surtout dans les pays démocratiques, c’est la classe moyenne qui l’emporte, si bien qu’il n’y a guère de vrais prolétaires et que les vrais capitalistes sont une minorité toujours décroissante.

Parler sans cesse de la classe du prolétariat comme ayant tous les droits, c’est faire de l’aristocratie à rebours ; c’est élever une fraction au-dessus des autres et s’occuper de ses intérêts aux dépens des autres. Cette classe est la plus nombreuse, sans doute ; elle n’est pas le tout. Ce n’est pas ma faute si je n’ai pas l’honneur d’être prolétaire, ou si, l’ayant été, je ne le suis plus grâce à un travail persévérant et opiniâtre. Les prolétaires n’ont pas plus que les autres le droit de dire : La nation c’est moi, l’humanité c’est moi.

Après avoir, en théorie, condamné la concurrence et le triomphe des plus forts, les syndicalistes révolutionnaires prêchent eux-mêmes la concurrence des classes pour la vie et le droit de la force. « La violence, écrit M. G. Sorel, vient naturellement prendre place dans notre système ; d’un côté, un progrès rapide du collectivisme conduit par un capitalisme déchaîné, et de l’autre, une organisation croissante du prolétariat, qui acquiert des qualités de puissance dans les luttes violentes que les grèves entraînent, voilà les deux conditions du syndicalisme révolutionnaire… Le lien que j’avais signalé entre le socialisme et la violence prolétarienne nous apparaît maintenant dans toute sa force. C’est à la violence que le socialisme doit les hautes valeurs morales par lesquelles il apporte le salut au monde moderne. » « Il y a, dit à son tour M. Edouard Berth, deux forces en présence, la force capitaliste et la force ouvrière ; elles n’ont pas à se préoccuper l’une de l’autre. La classe ouvrière ne se voit nullement comme la partie d’un tout ; mais elle se considère comme étant un tout par elle-même. Il ne s’agit pas de composer ou de transiger avec la bourgeoisie, il s’agit de la détruire… Bien loin de chercher à atténuer l’insolidarité, il faut la creuser davantage, la poursuivre à fond et la transformer en une véritable lutte de classe. » « Le syndicalisme, dit enfin M. Lagardelle, est l’attaque contre les détenteurs du capital et la revendication de