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fois de plus, aux propositions de M. de Lapouge. Il donnerait volontiers les mêmes conseils d’activité aux « eugéniques, » car il accepte les idées de son compatriote, le professeur von Ehrenfels, qui a ouvert depuis quelque temps et poursuivi avec ardeur dans les colonnes de la Revue d’anthropologie politique une campagne contre la monogamie masculine. L’homme, assure ce savant, est polygame de par le vœu de la nature, tandis que la femme est monogame, et cette circonstance paraît très favorable à la rapide production d’une humanité germanique. Des suggestions de ce genre ont tout au moins le mérite de la franchise et de la hardiesse. Pourquoi faut-il que, poussé par un sentiment de patriotisme respectable, et peut-être par le souci de n’inquiéter aucun de ses lecteurs allemands sur leurs droits civiques de demain, M. Reimer propose d’accorder, sans examen, le droit de cité germanique à tous les sujets actuels de l’empereur Guillaume[1] ! Or on doit compter, de son propre aveu, dans l’Empire allemand actuel, un bon quart de non-Germains parfaitement caractérisés ! C’est là ce qui s’appelle en français introduire le loup dans la bergerie. Que de roturiers dans la caste noble ! Et quels ravages la postérité de ces millions d’intrus ne va-t-elle pas préparer au sein d’une Allemagne pangermaniste si péniblement cimentée ! M. de Lapouge prédirait sans doute le jeu rapide de la sélection naturelle, négative et positive, en faveur de ces brebis galeuses, en sorte que le rude travail de la Prusse conquérante et de ses commissions techniques serait bientôt à reprendre par la base.

Persuadé de l’influence du moral sur le physique, M. Reimer se préoccupe aussi d’assurer une saine croyance religieuse à ses citoyens germains. Probablement élève de quelque collège religieux dont il n’a pas gardé bon souvenir, il se montre adversaire déclaré du catholicisme romain. Cette confession, interdite à tout civis germanicus, sera tolérée chez les non-Germains à la condition d’être entièrement sous l’influence du gouvernement allemand et de servir pour sa part à réaliser l’idéal pangermaniste. A cet effet, le catholicisme devra pousser plus que jamais ses fidèles vers l’ascétisme, la chasteté, en un mot vers le défaut de postérité. Car M. Reimer, disciple de M. de Lapouge, trouve fort juste que Rome, après avoir privé le germanisme d’une

  1. Ein pangermanisches Deutschland, p. 155.