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sympathie humanitaire ne peut aller qu’à cette humanité dont nous entendons l’écho dans notre poitrine et un Germain ne sent nullement battre son cœur en présence d’un brachycéphale. En un mot, le cri de guerre du parti ouvrier allemand ne sera plus désormais : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » mais bien plutôt : « Prolétaires germaniques de tous pays, unissez-vous ! »

Il est bien certain que l’union des prolétaires de tous pays autour d’un commun drapeau réclame un certain degré d’égalité préalable entre eux. Quelques germanistes avisés ont dès longtemps remarqué que là où l’ouvrier de race blanche se heurte à la concurrence du noir ou du jaune, il a vite fait d’oublier ses convictions humanitaires pour exiger de la loi du pays qu’elle tienne préalablement à distance un frère trop modéré dans ses besoins, un compagnon qui gâte véritablement le métier. Le congrès socialiste international d’Amsterdam (1904), placé devant une motion de ce genre et tiraillé entre les principes théoriques du parti et les intérêts présens de sa propagande, s’est tiré d’affaire par une échappatoire : il a renvoyé la question à son bureau en vue d’une étude plus approfondie, formule parlementaire qui équivaut le plus souvent, on le sait, à un ajournement indéfini[1]. Aux prolétaires africains ou asiatiques, le travailleur blanc ne s’unit donc qu’en principe et pour un avenir encore lointain. Or les germanistes tels que ceux dont nous venons de rappeler les doctrines sont fort disposés à considérer comme des êtres de race inférieure, comme des jaunes ou des nègres dissimulés sous un fard trompeur, les Européens qu’ils ne voient pas marqués des signes anthropologiques de leur choix. Quoi donc de plus naturel que leur effort pour amener leurs compatriotes de race pure à ne pas se solidariser plus longtemps avec des parias brachycéphales, indignes de toute alliance noble ?


VI

Ainsi, anéantissement définitif de la concurrence autrichienne et française, alliance avec le socialisme allemand mieux éclairé sur ses intérêts prochains, telles sont les conditions

  1. Voyez F. Lange, Reines Deutschtum, 4e édit., p. 231 et suiv.