Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non content de visiter le musée de Berlin pour y maudire ses juges à loisir, le candidat malheureux du prix Krupp se prit à parcourir au pas de course les musées des pays latins, afin de démontrer péremptoirement à ses lecteurs le germanisme de tous les grands hommes issus des nations romanes. De ses voyages de conquête en pays welche, il catalogua le butin dans deux livres : les Germains et la Renaissance en Italie[1], et les Germains en France[2] ; nous en examinerons rapidement le contenu.

Woltmann ne pardonnait pas à Taine d’avoir écrit que le fond latin de la population italienne demeura toujours intact sous la croûte légère de l’alluvion barbare, que cette race ausonienne, si fine, eut le bonheur de n’être pas germanisée par ses maîtres d’une heure et de rester fidèle à ses traditions classiques ; en sorte que, vers le XVe siècle, elle put renouer la chaîne de ses destinées artistiques trop longtemps interrompues par la barbarie régnante. Erreur impardonnable, proteste ici le directeur de la Revue d’Anthropologie politique ! La Renaissance italienne ne fut ni grecque, ni romaine en sa source : il faut y voir « une étape intellectuelle de la race germanique soumise à certaines influences locales de milieu et de tradition. » On l’aura démontré si l’on établit clairement qu’au-delà des monts les hommes illustres de la Renaissance furent les fils authentiques des conquérans germains. Comment faire cette démonstration ? Par leur extraction quelquefois lorsqu’il est possible d’établir, au moyen de documens et de chartes, l’origine exacte de leur famille. Mais, bien plus souvent, par la seule inspection de leur nom : ainsi Donatello était un Bardi, dont les ancêtres allemands devaient sans doute porter le nom de Barth. Vittorino da Feltre, le restaurateur de l’humanisme, se rattachait à la maison noble des Ramboldini, dont le nom paraît lombard. Giotto, Alighieri, Bruno, Ghiberti, Vinci, Santi, Vecellio, Tasso, Buonarotti, c’est, en allemand Jotte, Aigler, Braun, Wilbert, Wincke, Sandt, Wetzell, Dasse, Bohnrodt : de même que Velasquez,, Murillo, Vaz (Gamoens) furent Velahisc, Moerl, Watz, noms wisigoths et qu’Arouet, Diderot, Gounod sonnèrent jadis Arwid, Tietroh, Gundiwald[3] !

  1. Die Germanen und die Renaissance in Italien, Leipzig, 1905.
  2. Die Germanen in Frankreich, Iéna, 1907.
  3. Ibid., p. 65.