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M. de Lapouge et ses partisans ont été le plus souvent attaqués sur l’importance excessive qu’ils donnent à la craniométrie dans leur doctrine. Nous ne reprendrons pas pour notre part une discussion qui nous semble désormais assez stérile : on a tout dit en effet sur les embarras causés par leur marotte aux fervens de la mensuration des têtes, et c’est là une source de comique qui est dès longtemps épuisée. Aussi bien, l’originalité réelle de M. de Lapouge, la raison de son influence persistante n’est-elle pas dans les observations plus ou moins convaincantes qu’il apporte à l’appui de la notion des deux races : l’une, l’aryenne, dominatrice par droit divin ; l’autre, l’alpine, esclave par destination providentielle, — en un mot, dans son adhésion à l’impérialisme de race pour le passé. Cette originalité réside surtout dans sa conception des causes qui expliquent le déclin de la plus noble des deux races et dans les conseils qu’il apporte pour restaurer rapidement l’hégémonie aryenne, si longtemps favorable au progrès matériel et moral de l’humanité.

Car cette hégémonie est sérieusement menacée, et c’est même un spectacle assez inattendu que de voir l’Alpin, inférieur par hypothèse dans la lutte vitale, chasser partout devant lui durant les temps modernes l’Aryen si bien doué par la nature pour dominer le monde. Fait certain cependant, puisqu’on nous montre la proportion des crânes larges augmentant sans cesse en Europe depuis l’origine des temps historiques. — Comment expliquer cette énigme ? Gobineau l’expliquait, on le sait, par le mélange, par les alliances contractées entre maîtres et esclaves, et jugeait pour toujours irrémédiable l’antique erreur matrimoniale de la race aryenne. M. de Lapouge résout le problème par la sélection naturelle s’exerçant dans le cadre social, et il en apporte le remède avec la sélection sociale artificielle qu’il s’agit de mettre en œuvre désormais. Nous allons dire par quels moyens. Grâce à lui, l’aryanisme (en même temps que le germanisme son succédané), cette doctrine que Gobineau avait faite nécessairement pessimiste et tournée pour toujours vers le passé, en vêtemens de deuil, avec des lamentations éloquentes, put désormais regarder vers l’avenir avec un sourire d’espoir radieux[1] ! Ce sont là des services qui ne s’oublient pas. Les

  1. Peut-être même est-ce l’intervention de M. de Lapouge qui a rendu Gobineau tout à fait agréable à nos voisins, par le correctif de l’idée sélectionniste. Car la fondation de la Gobineau-Vereinigung est de 1894, et si les Sélections sociales sont de 1896 nous avons dit que les notions essentielles de ce livre étaient connues avant ta publication.