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« Ils bâtissent sans voir la divine sculpture
Qui cisèle la Terre et soulève les monts.
Comme le Créateur vit dans la créature,
Ainsi l’âme et l’esprit parlent dans la Nature,
Mais ces bourreaux affreux la peuplent de démons.

« Les Dieux sont toujours là, fontaines d’énergie,
Vibrans dans l’Invisible et cachés à vos yeux ;
C’est vous les morts, sans voix, glacés de léthargie ;
Pour évoquer les Dieux, il faudrait la magie
D’un verbe créateur, d’un cri victorieux.

« Or debout ! Au combat ! poète avec tes frères,
Chevaliers de l’Esprit, par qui seul l’homme est roi.
Rappelez les coursiers divins de la Lumière,
Qui paissent loin de vous sur la montagne altière,
Rappelez le Désir, l’Espérance et la Foi !

« À cheval ! sus enfin à ces hordes funèbres,
Chassez les destructeurs et par monts et par vaux.
Que le souffle d’en haut traverse vos vertèbres ;
Flambeaux, glaives au vent transpercez les ténèbres
Et faites-en surgir les Dieux… les Dieux nouveaux !

« Assez de fossoyeurs ont brandi des squelettes
Comme le dernier mot des astres éclatans.
Les voiles tomberont sous le poing des athlètes ;
Il nous faut des voyans, il nous faut des prophètes
Qui lisent l’Eternel dans le livre du Temps.

« Dressez, dressez un temple à la race future,
Où reluise le Verbe en l’univers caché,
Où la sainte magie éteigne la torture…
Un temple au grand Esprit, un temple à la Nature…
Un temple à l’immortelle et divine Psyché ! »


EDOUARD SCHURÉ.