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empire et des limites à sa suprématie maritime. Dans la fameuse interview du Daily Telegraph, Guillaume II s’est attribué le mérite d’avoir, dans cette crise décisive, empêché la Russie et la France d’intervenir et repoussé les propositions tentatrices de Pétersbourg. M. Delcassé allègue de son côté que c’est à la loyauté de la politique française que l’Angleterre fut redevable de la tranquillité de l’Europe. Le procès ne sera jugé que le jour où les archives parleront. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, l’importance de cette crise dans la politique européenne ne saurait être exagérée ; les angoisses de l’Angleterre, l’effort admirable qu’elle a fait pour dompter la fortune adverse, ont exercé une influence déterminante sur sa politique.

Nul mieux que le roi Edouard ne comprit le péril, nul plus résolument ne voulut les remèdes.

Et d’abord la paix ! Elle avait été le dernier vœu de la reine mourante ; elle fut le premier souci du nouveau Roi ; sa volonté l’imposa en dépit des résistances ; il la voulut honorable pour les deux adversaires, afin qu’elle pût devenir définitive. C’est un grand honneur pour l’Angleterre que, moins de six ans après la guerre, l’ancien commandant de l’armée des Boërs ait pu devenir, au Parlement fédéral du Cap, le président d’un ministère loyaliste.

La paix faite, le Roi commença, d’abord avec lord Lansdowne, et ensuite avec sir Edouard Grey, l’habile travail diplomatique qui, en quelques années, allait placer l’Angleterre au centre d’un réseau d’alliances et d’amitiés qui assure sa sécurité pour tous les cas. Il choisit ses partenaires : les circonstances lui imposaient son adversaire. Combattre l’hégémonie là où elle tend à s’établir a toujours été la loi de la politique anglaise ; cette nécessité s’accordait parfaitement avec les tendances et les sympathies personnelles d’Edouard VII. Parmi ses sœurs, l’une, l’impératrice Frédéric, avait souffert par son fils ; une autre, Alice, grande-duchesse de Hesse, avait souffert par la politique prussienne : l’une et l’autre avaient légué à leur frère le souvenir de leurs larmes. Ce n’est un secret pour personne que, malgré ses efforts pour y gagner des sympathies, Guillaume II n’est pas aimé à la cour de son oncle. D’ailleurs, l’adversaire de l’Angleterre ne pouvait être que celui qui avait dit : Notre avenir est sur l’eau. »

Tandis que l’Angleterre se préoccupait de trouver des