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réaliser les vœux que nous formons. Je souhaite encore une fois que le vaste Empire sur lequel règne Votre Majesté continue de prospérer dans l’avenir et je lève mon verre à la santé de Votre Majesté et de Sa Majesté la Reine.


Le Roi a répondu :


Je n’ai sans doute pas besoin de vous assurer que nous n’avons oublié ni l’un ni l’autre la visite de Votre Majesté et de Sa Majesté l’Impératrice à Windsor. Votre Majesté a éloquemment exprimé, au sujet du but et des résultats souhaités de notre visite, mes propres sentimens. Je ne puis donc que répéter que notre venue ne vise pas seulement à rappeler au monde les liens étroits de parenté qui unissent nos deux maisons, mais qu’elle a aussi pour objet de resserrer les liens d’amitié qui unissent nos deux pays et de contribuer ainsi à maintenir la paix universelle vers laquelle tendent tous mes efforts. En même temps que je souhaite à Votre Majesté et à votre Empire une longue prospérité dans l’avenir, je lève mon verre à la santé de Votre Majesté et de Sa Majesté l’Impératrice et de votre maison.


Cet instant où la politique des princes est en harmonie avec les vœux pacifiques des peuples, nous parait favorable à un exposé rapide el synthétique des origines et du développement de la rivalité anglo-allemande. Cette étude nous conduira à nous demander dans quelle mesure l’antagonisme des deux pays doit être considéré comme permanent et irréductible, et si l’on est fondé à croire qu’il doive fatalement aboutir à une guerre, ou si, au contraire, on peut le regarder comme un accident dans la vie de l’Europe contemporaine, en tout cas comme un phénomène d’origine surtout économique, pouvant se résoudre autrement que par l’appel au canon.


I

Entre l’Angleterre et la Prusse, les traditions sont toutes d’amitié, d’alliances, de fraternité d’armes. Pour la querelle anglaise, la Prusse succombe à Iéna, Wellington et Blücher s’embrassent à la Belle-Alliance. La politique britannique, à travers tout le XIXe siècle, favorise les progrès de la puissance prussienne : la Prusse a une armée forte et peu d’argent, elle peut donc servir, le cas échéant, les desseins du Cabinet de Londres ; elle les sert, en effet, en humiliant l’Autriche, en abattant la France. Le traité de Francfort est applaudi, en Angleterre, par l’opinion et accepté par le gouvernement ; il ne déplaisait pas, à Londres, que le nouvel Empire, par