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Perrault, qui ne sont pas sans mérite. Il représente la bourgeoisie du XVIIe siècle telle qu’elle était quand il lui arrivait d’être un peu gâtée par les opérations de finances et le maniement dangereux des grandes sommes. Il y a eu un peu de contagion de Foucquet à Pierre Perrault. Pierre s’oppose à Nicolas trait pour trait dans le diptyque que l’on peut supposer.

Le quatrième frère, Claude Perrault, était né en 1613. Lui était un homme de génie. Il commença par être médecin ; puis, par amusement, il étudia l’architecture. Déjà en 1657 on le surprend bâtisseur. Son frère Pierre, le receveur des finances, faisant construire une belle maison de campagne à Viry, ce fut Charles qui dirigea les travaux, dont il se montre assez fier ; mais il reconnaît que « ses frères avaient grande part au dessein de ce bâtiment » et par ses frères il faut entendre, non le docteur en théologie, ni sans doute l’avocat, mais le maître du logis et Claude.

Claude Perrault, grâce à sa notoriété, grâce aussi aux bons soins de son frère Charles, fut nommé de l’Académie des sciences dès sa fondation, 1666. Il a laissé dans les recueils de cette Académie plusieurs mémoires sur l’anatomie comparée. Mais sa gloire est d’architecte. Habilement poussé par son frère Charles, d’architecte amateur il devint ingénieur officiel et constructeur du Louvre et créateur de la célèbre colonnade. Ce ne fut pas sans peines et soins de la part surtout dudit Charles. On avait été chercher à Rome, sur sa réputation, le célèbre « cavalier Bernin, » sculpteur, architecte, artiste plastique en plusieurs genres, et on l’avait magnifiquement traîné de Provence à Paris avec des honneurs quasi royaux. Il paraît bien que c’était un sot, tout au moins un brouillon plein de vanité, capable de toutes les impertinences et de presque toutes les maladresses. Il y avait en lui du Lulli. Le très adroit Charles Perrault vit très vite les défauts du pourpoint et, avec une adresse qu’on ne peut pas s’empêcher de trouver un peu plus diligente qu’il ne faudrait, il desservit de tout son courage Bernin auprès de Colbert, relevant toutes ses fautes, critiquant tous ses plans, mettant en vive lumière toutes ses erreurs, soit d’art, soit de conduite. Il faut voir tout le détail de cela dans les Mémoires de Charles Perrault. C’est très piquant ; c’est quelquefois un peu gênant, encore que l’auteurn’y mette aucune gêne. Par parenthèse, cela fait très bien comprendre l’animosité de Boileau contre Charles. Je me trompe