Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui, d’ailleurs, sont communs aux réformateurs du Caire et à ceux de Constantinople.

S’il est un point sur lequel les uns et les autres soient parfaitement d’accord, c’est sur la nécessité de l’instruction très largement répandue, obligatoire pour tous. Ici encore, on invoque l’exemple du Japon. Les Japonais n’ont vaincu les Russes qu’en nous empruntant nos sciences : il est donc urgent de les imiter, d’introduire dans les écoles et de diffuser le plus possible les sciences européennes. Les Egyptiens surtout prêchent le culte du savoir, s’expatrient volontiers pour parfaire leurs études en France ou en Allemagne. Mustafa Kamel, de sa propre initiative, a fondé des écoles primaires, où sont appliquées nos méthodes pédagogiques. A présent, ses amis ont des ambitions plus hautes. Ils vont organiser, au Caire, une grande université moderne qui, n’étant pas soumise à la surveillance de l’Etat, jouira d’une entière indépendance. D’après eux, les Anglais, jusqu’ici, n’ont refusé les bienfaits de l’enseignement supérieur aux Egyptiens que pour les maintenir plus sûrement en état d’infériorité vis-à-vis de leurs maîtres. Et ils répètent des griefs identiques contre nous Français : c’est pour la même raison que les Anglais, pour abêtir les jeunes Tunisiens, que nous privons Tunis d’une université ! En vain répondons-nous à ces reproches que les Ecoles supérieures d’Alger sont ouvertes aux étudians de la Régence comme à leurs camarades d’Algérie ; en vain leur remontrons-nous que ces Ecoles sont vivement critiquées par les Algériens eux-mêmes, parce qu’elles encombrent le pays d’une pléthore de fonctionnaires ou de diplômés sans emploi, — les Egyptiens ne veulent rien entendre : coûte que coûte, il leur faut leur université ! Avouons-le, les arrière-pensées qui les guident ne sont pas si naïves, ni si chimériques. Dans tous les pays du monde, surtout dans les pays en tutelle, les universités deviennent aisément des centres de ralliement pour la jeunesse et aussi des foyers d’agitation révolutionnaire. Quand l’Egypte ne gagnerait à la création d’une université que d’exciter et de propager chez ses jeunes gens l’esprit d’émancipation, elle n’aurait perdu ni son temps ni son argent.

Mais on espère davantage. On rêve déjà toute une renaissance des littératures et des sciences de l’Islam revivifiées par celles de l’Europe. On aura des savans, des érudits, des humanistes ; qui, non seulement, feront leurs leçons en arabe ou en