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qui fut interprétée par les nationalistes du Caire comme une première victoire de leur parti.

Mustafa Kamel ne survécut pas longtemps au succès de ses efforts. Mais sa mort, qui donna lieu à une formidable manifestation populaire, fut peut-être plus profitable au progrès de la cause que l’obtention de nouveaux avantages partiels arrachés à l’Angleterre.

Les journaux européens nous ont transmis un écho de ces imposantes funérailles : ils n’ont pas pu tout dire. Ce qu’ils n’ont pas dit, c’est que, depuis des siècles et des siècles, jamais rien de pareil ne s’était vu en Egypte. Pour la première fois, le peuple entrait en scène et affirmait sa volonté devant ses gouvernans. On avait réussi à l’intéresser à la chose publique et à lui faire comprendre que la disparition d’un homme dévoué à cette chose était un deuil pour tous. Cela peut-il s’appeler un éveil du sentiment patriotique et national dans les masses égyptiennes ? Il serait téméraire de le conclure, car ce sentiment qui se formule à peine dans la conscience de l’élite, demeure encore très enveloppé et très obscur dans celle de la plèbe. Il lui manque, pour le dégager en pleine lumière, toute une éducation, tant morale qu’intellectuelle. Néanmoins, si l’on songe que ces manifestations ont éclaté plusieurs mois avant la révolution de Constantinople, que, depuis, une constante solidarité d’action s’est établie entre les révolutionnaires du Bosphore et ceux des bords du Nil, on jugera mieux combien ces divers mouvemens ont été spontanés et combien ils menacent de s’accroître par l’influence et l’émulation réciproques.


III

Bien que je m’abstienne, autant que possible, de toute incursion dans le domaine de la politique, il me paraît difficile de passer sous silence le programme des Jeunes-Turcs et des Jeunes-Egyptiens, puisque, après tout, la réalisation de ce programme est leur principale raison d’être. Laissons de côté tout ce qu’il comporte de strictement national et même la question si épineuse du contrôle européen des finances, qui requiert la compétence d’un spécialiste. Tenons-nous-en aux projets qui, d’une façon plus ou moins directe, intéressent les Occidentaux