Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/758

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réglés à l’avantage de la France. La Convention de juin 1898, arrachée à la résistance la plus tenace, et en dépit d’une pression menaçante, couvrit la carte du continent de son tracé magistral et porta les frontières françaises jusqu’au bassin du Nil ; au-delà même, puisque la zone commerciale reconnue par l’arrangement de mars 1899 couvre, en somme, une partie importante de ce bassin d’où la France paraissait, pour toujours, écartée.

La mission Marchand n’avait nullement pour objet, comme on l’a répété, de couper la ligne du Cap au Caire, à supposer même que l’intérêt de cette ligne n’ait pas été singulièrement gonflé et qu’elle doive réussir jamais. Compter sur cette mission avec son faible effectif et ses ressources nécessairement restreintes pour entraver, dans ces régions, les projets de l’Angleterre, du moment où celle-ci se décidait à les soutenir par une armée, eût été une absurdité dont la polémique a triomphé trop facilement : les instructions données par M. Lebon à M. Liotard signalent et écartent une telle pensée. Il ne s’agissait pas de cela, mais bien d’obtenir, par une exploration française, pareille à tant d’autres qui se sont produites en Afrique, les élémens d’une négociation et d’assurer finalement, par une entente semblable à celles qui étaient intervenues à la suite de concurrences analogues sur le Niger et au lac Tchad, l’exploitation commune des deux grands réservoirs de richesse africaine, les bassins du Congo et du Nil. Cet avenir a été compromis peut-être ; mais il n’est pas perdu.

Quant à la question d’Egypte, malgré l’échec de la mission Marchand, elle fut arrachée, par ces contacts positifs et ces revendications précises, aux brouillards des revendications juridiques. Les frontières communes du Bahr-El-Ghazal, en faisaient désormais un débat de réalité. Aussi, quand l’Angleterre, quelques années plus tard, voulut la régler, elle dut, pour obtenir le désistement de la France, le payer par les engagemens qu’elle prit, elle-même, au sujet du Maroc. Ainsi, cette question resta, tout au moins, comme un élément de compensation, une monnaie d’échange. Seulement, elle fut reportée sur d’autres comptes que ceux qui étaient en cause lors de la mission Marchand. On ne l’eût pas retrouvée plus tard, si, en 1894 et en 1898, elle n’avait été si soigneusement préservée.

Les relations générales des deux pays furent, il est vrai,