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et pour l’honneur français et que la crise, — bien exagérée, — qui s’est produite, eût été évitée ?

Peut-être même qu’un tel accord, couronnant celui de juin 1898, eût eu pour effet de confirmer dès lors, entre les deux pays, un état de confiance et d’harmonie qui est dans la nature des choses et eût permis de renouer les relations heureuses et confiantes reprises par la suite. Car, le but visé depuis si longtemps et poursuivi, sous des formes si diverses, était, en somme, atteint : la période des discussions coloniales entre les deux pays était close.

Puisque les événemens n’ont pas permis que ce résultat fût obtenu alors, selon les espoirs conçus et les plans préparés, en tenant compte du droit européen, des traités et des intérêts respectifs, il n’y a qu’à s’incliner : l’histoire a passé. Mais, à prendre les choses dans leur sens profond, la France ne doit pas être la seule à le regretter.

La mission Marchand engagée en pleine crise, entravée par des difficultés inouïes, coïncidant avec des embarras extérieurs et intérieurs très graves, se heurtant enfin au formidable effort de la campagne Kitchener, n’a pas donné tous les résultats qu’il était permis d’espérer. La « grande négociation africaine » entre la France et l’Angleterre, heureusement poursuivie pendant plusieurs années, s’est enlizée brusquement et fâcheusement sur la fin.

Doit-on dire, pourtant, qu’un tel effort colonial et diplomatique ait été inutile ? Il suffit de comparer les situations en juin 1894 et en mars 1899. Par l’arrangement de juin 1894, la France était rejetée non seulement loin du Nil, mais au-delà du 4e parallèle sur le M’Bomou et sur l’Oubanghi. Le sort de toutes les entreprises coloniales françaises en Afrique était en suspens. La question d’Egypte comme la question du Nil était réglée par un simple acte de la volonté de l’Angleterre, ses « déclarations » ayant été successivement acceptées par l’Italie, par l’Allemagne, par l’Etat Indépendant.

La résistance opposée à cette procédure un peu trop succincte et l’échec éclatant de la tentative de lord Rosebery remirent la négociation africaine sur ses véritables bases. Partout, l’impérialisme anglais dut compter avec la France, à Madagascar, au Siam, sur le Mékong, en Tunisie, à la Côte occidentale, sur le Niger, au lac Tchad. Et ces conflits furent