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1898, la situation de l’expédition anglaise ne paraissait pas des plus satisfaisantes ; le sirdar demandait au gouvernement de renforcer le corps expéditionnaire d’une première brigade anglaise de quatre bataillons. Jusqu’à cette époque, le sort de la campagne restait au moins douteux[1].

Le 18 février, le jour même où M. Chamberlain faisait, à la Chambre des communes, une déclaration des plus comminatoires, les délégués anglais apportaient à la Conférence une concession décisive : le Cabinet de Londres abandonnait le Mossi et le Gourounsi. C’était donc une reconnaissance pleine et entière des revendications de la France, après qu’on les avait proclamées si exorbitantes et qu’on avait usé de tous les moyens, — jusqu’à la menace d’une rupture et d’une guerre, — pour lasser et intimider leurs défenseurs. L’union des établissemens du Sénégal, du Niger et de la Côte d’Ivoire était reconnue et le principe d’une vaste négociation africaine était adopté.

C’était l’heure psychologique : si l’Angleterre, parfaitement au courant, dès lors, des progrès de la mission Marchand, saisie de l’ensemble des propositions françaises, traitait en février, il était permis de conclure qu’elle aborderait dans le même esprit le règlement des affaires du Nil. Si on eût été décidé à la rupture, on eût, comme on l’avait fait précédemment, traîné en longueur : car, parler du lac Tchad, comme l’avait fait observer l’ambassadeur d’Angleterre, dans sa communication, c’était parler du Nil.

Il fallut quatre mois encore pour obtenir l’accord complet et pour régler l’infinie quantité des sujets litigieux. Chaque détail exigeait une dépense d’application, de peine et, surtout, de temps. La convention de délimitation générale qui couvrait toute l’Afrique dans sa largeur, du Sénégal au bassin du Nil, fut, enfin, signée, au quai d’Orsay, le 14 juin 1898. L’ambassadeur d’Angleterre, sir Edmund Monson, pleurait en mettant son nom sur cet acte considérable dont il attendait les résultats les meilleurs pour les relations entre les deux pays.

Le lendemain, le Cabinet Méline était renversé !

Dans le tourbillon des événemens qui se sont succédé, cette Convention de juin 1898 a passé presque inaperçue : elle était, cependant, l’aboutissant d’un long et pénible effort, l’œuvre d’une

  1. De Caix, Fachoda, p. 187.