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efficace du nivellement des fortunes. Ce sera, par excellence, l’arme des révolutions sociales qu’ils rêvent. Que faudrait-il pour arrêter ce mal à sa naissance ? Un retour de bon sens à la Chambre, ou un retour de courage au Sénat. Mais ce sont là choses du passé.

Dans quelques semaines, la Chambre aura voté l’impôt sur le revenu, et dans quelques mois le Sénat aura voté la loi sur les retraites ouvrières : on le dit du moins et la chose est probable. Ces deux réformes, qui semblent se rapporter à des objets divers, ont un lien entre elles. L’impôt sur le revenu, et en particulier l’impôt complémentaire, si facilement élastique, ont pour objet de payer le coût des réformes sociales déjà faites ou qui restent à faire. Il y avait un frein naturel dans notre ancien système fiscal où tous les contribuables étaient atteints proportionnellement à leurs facultés : il n’y en aura plus dans le système de l’avenir où certains impôts ne porteront que sur une minorité de contribuables, le plus souvent même sur une infime minorité qui deviendra taillable et corvéable à merci. C’est à cela que nous allons.


La discussion sur le Maroc, dont nous avons fait mention plus haut, se rapportait à un double objet : une demande d’interpellation faite par plusieurs orateurs, et une demande de crédits faite par le gouvernement. A vrai dire, elle n’était pas bien nécessaire, ni même bien utile, car il ne s’est rien passé d’important au Maroc depuis quelque temps.

Mais M. Jaurès ne voulait pas se laisser oublier, et il croyait d’ailleurs avoir eu connaissance, — il n’a pas dit comment, — d’un rapport du général Lyautey dont son esprit avait été frappé et était demeuré inquiet. Il a sommé le gouvernement de faire connaître ce rapport, de l’apporter à la tribune, de le lire à la Chambre, ce à quoi le gouvernement s’est très nettement refusé. Nous ignorons ce que contient le rapport du général Lyautey : nous savons seulement que ce n’est pas du tout ce que M. Jaurès croyait, car M. le ministre des Affaires étrangères a donné un démenti catégorique à chacune des allégations qu’il a produites, moins encore à la tribune que dans la presse. M. Jaurès joue alternativement des deux instruirions ; il est orateur et publiciste ; mais il manque également de précision et d’exactitude, soit qu’il parle, soit qu’il écrive. Sa pensée s’enveloppe et disparaît dans le nuage parfois éclatant de sa phraséologie, et il est d’autant plus difficile à réfuter qu’on ne sait pas toujours ce qu’il a voulu dire. Cependant il y a un refrain