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explicable. Des expériences de laboratoire, en imitant dans ses grandes lignes le phénomène naturel, sont en effet de nature à dévoiler dans la matière inconnue du noyau terrestre certaines propriétés qu’on n’aurait pu soupçonner a priori. Le but de ces tentatives synthétiques était précisément d’imiter artificiellement la constitution orogénique de l’Europe. Pour cela, on employait un appareil où sont mis en présence un organe représentant le noyau contractile de la Terre et un autre imitant la croûte fragile qui lui est superposée. Comme le caoutchouc, tout solide qu’il soit, jouit de la propriété ordinaire aux fluides de rentrer en lui-même par contraction sans changer de forme, il pouvait jouer le rôle de la matière nucléaire. Une feuille très épaisse de caoutchouc étant donc appliquée sur une demi-sphère de bois solidement établie, on l’étire à l’aide d’un petit treuil, de façon à en faire une calotte pourvue d’une énergique rétractilité. On moule à sa surface une calotte de plâtre gâché dans une quantité convenable d’eau. Au moment où la pâte a acquis la consistance voulue par suite des progrès d’une prise commençante, on a permis au caoutchouc de revenir sur lui-même et, dans son mouvement, il a comprimé vers le pôle de la demi-sphère la calotte de plâtre déposée sur lui. Alors ce pôle s’est constitué en une sorte de buttoir ; il s’est ouvert autour de lui une crevasse assez sinueuse le long de laquelle s’est fait une poussée rappelant si on veut le ridement des Alpes Scandinaves (ou calédonien). La contraction continuant uniformément, on a vu, à la suite d’une bande restée sensiblement de niveau (Vorland), s’ouvrir une deuxième cassure avec deuxième émergence qui sera le ridement armoricain, et ainsi de suite jusqu’à ce que la puissance élastique du caoutchouc ait été épuisée. La forme des bourrelets successifs a été très variable et parfois ils se sont infléchis suivant les méridiens, de façon à imiter la disposition générale de l’Oural.

Des spécimens obtenus de cette façon sont exposés dans la galerie de Géologie du Muséum ; on pourra d’un coup d’œil apprécier leur analogie avec les faits naturels qu’il s’agissait d’imiter. Leur témoignage n’est cependant entièrement valable que si on admet, chez la matière nucléaire, une contractibilité comparable à celle dont jouit le caoutchouc et qui rappelle la viscosité de bien des substances pâteuses. Dans ce cas, en effet, on peut penser que lors de l’individualisation de notre planète, —