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Qu’on recueille maintenant tous ces renseignemens divers, et qu’on les classe : on n’aura assurément point la liste complète des « mille volumes de livres » dont se composait la « librairie » de Michel de Montaigne, ni même de tous ceux qu’il a lus : mais il est à croire qu’on aura celle de toutes ses principales lectures, de toutes celles, ou peu s’en faut, qui ont exercé quelque action sur son esprit, laissé quelque trace dans sa pensée. Or, c’est là tout ce qui importe.

M. Villey s’est voué d’abord à cette tâche en apparence un peu ingrate, — mais l’érudition a ses joies austères ! — avec la plus scrupuleuse conscience. Il est juste de dire qu’elle lui était facilitée par tout le travail antérieur des innombrables critiques et commentateurs qui, depuis plus de trois siècles, se sont exercés sur le texte de Montaigne, élucidant tel passage obscur, expliquant telle allusion, signalant l’exacte référence des innombrables citations latines ou grecques, italiennes ou françaises, multipliant entre les Essais et d’autres « bons auteurs » les rapprochemens ingénieux, savans et utiles. Le travail avait été commencé au lendemain de la mort du grand écrivain par sa fille adoptive, la docte demoiselle de Gournay, qui, aidée de Pierre de Brach et de quelques autres érudits, s’était efforcée, dans l’édition des Essais qu’elle publia en 1595, de rapporter à leurs auteurs les citations latines que Montaigne avait enchâssées dans son texte. M. Villey a largement bénéficié de toutes ces enquêtes fragmentaires et successives ; il en a coordonné, synthétisé les résultats ; il les a soigneusement contrôlés ; il les a complétés et rectifiés sur un certain nombre de points. Et il aurait achevé cette œuvre d’exploration préalable, si le propre d’une œuvre de ce genre n’était pas, justement, de n’être jamais achevée, d’être au contraire toujours ouverte, toujours sujette à révision, à complément, à contrôle, — et, en un mot, toujours à refaire.

Quoi qu’il en soit, M. Villey a pu ainsi identifier plus de deux cent cinquante livres, — exactement deux cent soixante et onze,