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Une autre attendait de bons effets de la dispersion des couvens. De son propre aveu cette dispersion n’en a produit aucun. Des témoignages si divers et pourtant concordans autorisent donc à dire que si certains couvens, se trouvant dans une situation difficile, ont pu se résoudre à travailler pour des prix très bas, la concurrence qu’ils ont faite au travail à domicile a été pour le moins singulièrement exagérée, et qu’ils avaient l’avantage, tout le monde en convient, de former d’excellentes ouvrières.

Cette concurrence pourrait cependant d’ici à peu prendre une autre forme, et celle-là tout à fait inattendue. Nous ne relèverons qu’en passant cette plainte d’une ouvrière qui complétait son gain en faisant de temps à autre un ménage à 2 francs par jour et à laquelle ce ménage a été retiré au profit d’une religieuse sécularisée qui a accepté de le faire pour 1 fr. 50. Avoir rêvé de consacrer sa vie à Dieu et aux pauvres, et finir femme de ménage, le cas est triste. Espérons qu’il n’est pas fréquent. Mais l’exode d’un grand nombre de congrégations depuis sept ans pourrait bien avoir une conséquence singulière. Laissons parler un fabricant de lingerie de femme et d’enfans : « En ce qui concerne le travail à la main, il y a un gros danger pour l’avenir. La fermeture des couvens n’a pas eu seulement pour résultat de détruire un certain nombre des meilleurs centres de travail à la main. Les congrégations dispersées sont allées s’établir au Canada, en Belgique, en Angleterre, et elles y forment des ouvrières dont on sent déjà la concurrence ; la fabrication à la main qui n’existait que très peu à l’étranger va peu à peu se développer. Déjà, ajoute le fabricant, dans l’Amérique Latine où il y a beaucoup de couvens, cette concurrence se faisait sentir d’une façon très appréciable dans les exportations. Les religieuses qui ont quitté la France se sont plutôt établies dans les pays du Nord, et des résultats analogues sont à prévoir. » Fermer à l’exportation de la lingerie française les débouchés du Canada, de l’Angleterre et de la Belgique, c’est là une répercussion que les auteurs de la loi de 1901 n’avaient assurément pas prévue. On ne saurait penser à tout


III

Voyons maintenant de plus près les misères que l’enquête va nous révéler, sans les exagérer ni les méconnaître. Un des