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que l’existence des entrepreneuses et surtout des sous-entrepreneuses est des plus modestes. Sans doute il y a des entrepreneuses qui occupent beaucoup d’ouvrières, et, dans le nombre, on en trouverait qui abusent de la misère de leurs ouvrières pour leur imposer des salaires dérisoires, mais il y en a aussi qui leur payent à peu près les mêmes prix que les fabricans en gros. Quant aux petites entrepreneuses ou sous-entrepreneuses, le plus grand nombre vivent de la même vie que les ouvrières qu’elles emploient, les unes à domicile, les autres dans de petits ateliers. Elles-mêmes donnent dans ces ateliers l’exemple d’un travail acharné. Le profit qu’elles prélèvent est minime et se justifie par la nécessité où elles sont d’aller chercher et de rapporter le travail chez le fabricant, ainsi que par les malfaçons dont elles sont responsables. Leur vie est très dure, très simple. Si l’on en doutait, le prix du loyer qu’elles payent en témoignerait : 210, 250, 275,360 francs, sont les prix que nous avons relevé le plus souvent dans l’enquête ; 480 francs est le loyer maximum, et cette entrepreneuse a six enfans. On avouera que ces loyers ne sont pas l’indice de situations bien fortunées. Quant à la rapacité des entrepreneuses, ce sont les ouvrières elles-mêmes qu’il faut interroger sur ce point. Sans doute il y en a qui se plaignent, et assurément à bon droit, car il y a entrepreneuses et entrepreneuses, tout comme il y a ouvrières et ouvrières. Mais le plus grand nombre des ouvrières interrogées ne font entendre aucune plainte, car elles savent parfaitement que pour les entrepreneuses comme pour elles « la vie n’est pas drôle tous les jours. » Quelques-unes même se louent de leurs rapports avec celles qui les emploient. L’une d’entre elles laisse son argent entre les mains de son entrepreneuse qui le lui remet sur sa demande par petites sommes et lui fait parfois des avances. « Une brave femme, quoi ! » dit-elle. Une autre, voisine de son entrepreneuse, va travailler chez elle le soir pour épargner le feu et la chandelle. Une autre, qui a mal aux jambes, sait gré à son entrepreneuse de lui apporter elle-même son ouvrage et de l’envoyer chercher, quand il est fini, par la coursière. D’une façon générale, les relations entre ouvrières et petites entrepreneuses paraissent plutôt cordiales. Quant à une exploitation systématique organisée par des entrepreneuses rapaces qui s’enrichiraient des sueurs de l’ouvrière, encore une fois c’est une légende. « Ce qui caractérise le sweating system, c’est qu’il