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France et transiger au sujet de l’Afrique du Nord, ou s’accommoder avec l’Allemagne et transiger au sujet de l’Afrique du Sud.

La France se trouva donc dans cette situation éminente de pouvoir, soit s’entendre avec l’Allemagne, soit traiter avec l’Angleterre. Peut-être aussi jugerait-elle préférable de jouer un rôle de « courtier honnête » entre les deux.

Au moment où l’empereur d’Allemagne cherchait à prendre contact avec la France, l’Angleterre s’adressait au Cabinet de Paris et lui proposait un accord au sujet de la question tant débattue de la province Equatoriale.

« Dans les derniers jours de 1895, lord Salisbury informa confidentiellement notre ambassadeur que le gouvernement de la Reine jugeait le moment venu de porter le coup de grâce au Mahdisme et que les ordres allaient partir pour l’Egypte, en vue de préparer, de concert avec elle, une expédition préliminaire sur Dongola : « L’expédition, dit-il, entreprise sur territoire égyptien avec le concours des armes et des finances khédiviales ne dépassera pas Dongola, et si, dans la suite, les événemens rendent nécessaires des opérations plus étendues, nous ne ferons rien sans nous être au préalable entendus avec vous[1]. »

On en revenait aux termes de l’accord qui avait été écarté un an auparavant. C’était, une fois de plus, la justification de la politique française dans les régions équatoriales.

Le gouvernement français ne crut pas devoir se prononcer entre les deux politiques. Les ouvertures de l’Allemagne n’eurent pas de suite. Il en fut de même des propositions de l’Angleterre. M. Berthelot qui, dit-on, était d’avis d’entrer en accord avec cette dernière puissance et de se rendre aux instances pressantes du baron de Courcel, se trouva en opposition avec ses collègues et quitta le ministère.

L’Angleterre déçue se retourna vers l’Allemagne, au moment où l’Allemagne déçue était prêté à se rapprocher de l’Angleterre. Ainsi fut conclu l’accord qui laissa à la première les mains libres, à la fois dans l’Afrique du Sud et sur le Nil. Immédiatement, elle donna suite à ses intentions à l’égard du Mahdisme. La marche sur Dongola fut décidée (14 mars).

C’était au tour de la France d’être surprise. On n’a pas

  1. J. Darcy, Cent ans de rivalité coloniale, p. 400.