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l’abolition disent bien que cet article fait double emploi, puisque le droit commun punit d<‘jà les violences et les voies de fait. L’explication est ingénieuse et elle nous prouve que la casuistique n’est pas morte. On connaît le raisonnement fait au cours de 1907 par certains fonctionnaires en révolte : « Nous avons bien injurié le ministre, en effet ; mais ce n’était pas en qualité de fonctionnaires, c’était en qualité de syndicalistes. » On dira de même, et cette fois en se couvrant d’une sorte de permission législative : « Nos actes de violence et de pillage ne sont pas des actes de particulier à particulier, ce ne sont pas par conséquent des violations du droit commun. Ce sont des actes découlant des nécessités de notre « poste de grève : » nous ne nous attaquons qu’à des belligérans ou à des traîtres, et le droit de la guerre ne saurait être calqué sur le droit de la paix. » Mesurez tout ce que promettent ces distinctions savantes de la part de gens qui substituent le capital et la propriété à l’ennemi d’au delà des frontières et qui se réservent de passer de l’état de paix à l’état de guerre, à leur gré. Le droit commun sera vraiment une belle garantie ! L’abrogation en passe d’être votée est donc bien un épisode de la lutte qui tond non à supprimer, mais à retourner les abus, à conférer même aux vainqueurs des privilèges plus exorbitans que tous ceux dont ils ont poursuivi l’abrogation. Or ces privilèges il n’est pas seulement question de les tolérer, de les ignorer ou de les amnistier, comme on le fait depuis quinze ans, on entend les consacrer par des additions, — ou des soustractions, — au code pénal qui nous régit.

Les influences d’ordre social qui ont modifié les notions communes sur les délits contre les personnes ont encore modifié gravement certaines idées sur les délits contre la propriété. Nous en avons eu déjà la preuve dans les vœux du congrès socialiste de Mannheim et dans les efforts faits pour l’abrogation de notre article 414. Il ne faut pas se dissimuler que la jurisprudence de plus d’un pays, que sa législation même tendent à se rapprocher de cette politique, sous une pression parlementaire qui est elle-même un prolongement de la pression électorale. Sans doute, en maint département, la petite propriété souffre et s’indigne autant que la grande de l’indulgence que les pouvoirs publics recommandent à l’égard des mendians et des vagabonds. Mais le désir de ménager le travail proprement dit l’a emporté. Il faut se plier à des habitudes grandissantes d’instabilité.