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Te soient dévots dans leurs plus humbles créatures.
Que la récolte des vergers aux lourds présens,
Que la juteuse grappe et que les fruits pesans
Enflent le souple osier des corbeilles. Automne,
Dont gémissent les vents sur la mer qui moutonne ;
Automne aux tons de rouille, aux nuances d’or fin,
Qui semblés dans un râle agoniser sans fin,
Que, de l’œuvre éphémère où mon cœur saigne et pleure,
Seul, ce poème obscur dans les siècles demeure.
Que, des illusions vaines que je formais,
Cet hymne attendri seul ne périsse jamais,
Et qu’il t’immortalise en des ferveurs de rite
Pour ceux dont la tristesse en ces vers reste écrite.


GLOIRES VESPÉRALES


Tel un calme océan dont le tranquille flux
Envahit une grève et la submerge toute,
Le soir en les noyant d’ombre errante velouté
Les cimes que l’éclat du jour ne trahit plus.

Le murmure attardé d’une invisible guêpe
Caresse les jasmins d’un frôlement léger,
Et le parc qui frissonne et qui paraît songer,
Par instans se recueille et se voile de crêpe.

Un lys près de mourir, comme un suprême aveu
Exhale un dernier baume au vent tiède qui passe.
Les tilleuls effleurés par une haleine lasse
Me dérobent un pan du ciel déjà moins bleu.

Le vaporeux encens d’une fragile brume
Ouate pour l’amollir en un halo vermeil
L’agonie impuissante et fière du soleil,
Dont le disque échancré lentement se consume.

Loin vers l’Ouest, entre deux nuages frangés d’or,
Dans une profondeur de vertige et de rêve,
Une île d’ambre rose éteint sa gloire brève,
Qui charmait les regards et les captive encor.