Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/951

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Si nous avons un peu négligé, depuis quelque temps, notre politique intérieure, c’est que les incidens qui s’y sont produits ont eu beaucoup moins d’intérêt et de portée que ceux qui se sont imposés au dehors à l’attention du monde entier : et il en est encore de même aujourd’hui. Un fait cependant a provoqué dans le pays une vive et légitime émotion : nous voulons parler de la décision ministérielle qui a relevé l’amiral Germinet de son commandement de l’escadre de la Méditerranée. L’amiral Germinet passe pour un de nos meilleurs marins ; il avait eu, jusqu’ici, la confiance du gouvernement ; il a toujours eu celle des officiers et des troupes qui ont servi sous ses ordres ; aussi la surprise a-t-elle été très grande lorsqu’on a appris la disgrâce qui venait de le frapper. Qu’avait-il donc fait de si coupable ? Il s’était prêté à une interview avec un journaliste, auquel il n’avait pas caché une vérité connue de tout le monde, car elle a été portée à la tribune de la Chambre, à savoir que l’état de nos approvisionnemens est insuffisant. Il l’est même dans des proportions inquiétantes, et. quoique cette situation ait été dénoncée à diverses reprises, on n’a encore rien fait pour y remédier.

En parlant comme il l’a fait, ou plutôt à qui il l’a fait, l’amiral Germinet a sans doute manqué à la discipline, et nul n’aurait protesté s’il avait été l’objet d’une peine disciplinaire proportionnée à la faute qu’il avait commise. Mais il y a eu dans l’opinion une véritable révolte lorsqu’on a su qu’il avait été privé de son commandement. Nos jacobins ont la main lourde : quand ils frappent, même justement, ils frappent trop fort et rendent leur victime intéressante. Au surplus, il ne s’agit pas seulement ici de l’amiral Germinet : l’instabilité, la mobilité dans des fonctions où on ne peut faire quelque bien qu’à la condition d’y durer, est un nouveau mal