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bien choisies, sont expliquées par un commentaire à la fois critique et technique de M. François Benoit : la connaissance des peintres et de leur temps y égale l’érudition d’art. C’est une monographie précieuse pour les amateurs, un document rare pour les artistes. Afin de leur garder ce double caractère, les éditeurs, avec l’aide du maître héliograveur Paul Dujardin et de l’habile imprimeur de Lille, L. Danel. ont apporté leurs soins tout particuliers à ces reproductions, qui peuvent prétendre à donner l’idée des originaux. C’est d’ailleurs la première fois qu’un travail d’ensemble aussi complet est consacré à un musée de province, une publication de cette importance à en faire connaître les collections.

Les musées de province ont été créés par la Convention. Ils ont pour double origine les confiscations et les dépouilles opimes des armées de la République et de Napoléon qui « dotèrent » la France de trésors d’art : « En procédant à la vente des biens des émigrés, déclarait le décret de la Convention nationale du 10 octobre 1792, il sera sursis à celle des bibliothèques, autres objets scientifiques, et monumens des arts. » Les églises servirent de magasins avant l’établissement des musées départementaux dont Roland et Chaptal eurent la première idée. Plus d’un maire de la troisième république, dont la suprême ambition est de consacrer l’église désaffectée de sa commune au culte de l’art, au détriment du catholique, ne fait en cela que suivre la Convention dont il peut plus utilement que glorieusement invoquer l’exemple. Sans la Révolution, ces « prisons de l’art « n’existeraient pas et l’on verrait sans doute les tableaux, ainsi que beaucoup d’autres choses, à leur place. Comme tous les musées de France, le Musée de Lille, fondé par la spoliation, eut pour premier dépôt les tableaux enlevés aux couvens, aux monastères, aux églises, et aux émigrés. Un inventaire dressé en 1795 par le peintre Louis Watteau nous apprend qu’à cette date, le couvent des Récollets, aujourd’hui le Lycée des garçons, abritait 583 pièces dont 382 étaient jugées dignes d’être conservées. En 1801, Lille fut une des quinze cités que l’arrêté consulaire du 14 fructidor an IX gratifia de peintures prélevées sui les collections du Louvre et de Versailles. Son lot en comprenait 46 dont quelques-unes provenant des armées de la Révolution échappèrent, en 1815, aux reprises des alliés. En revanche, une conséquence du rétablissement du culte par le Concordat fut l’attribution de 97 toiles du dépôt des Récollets à des églises de la ville et du département. L’ouverture d’une galerie au public dans la chapelle des Récollets daterait de 1803. La collection comprenait 80 pièces ; 354 d’entre elles, considérées comme sans valeur, avaient été vendues.