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affectée par les événemens d’Orient. Lorsque Andrassy a lié partie avec Bismarck, le traité qu’il a signé était dirigé non pas contre la France, mais contre la Russie ; si l’Autriche garantit à l’Allemagne les bénéfices du traité de Francfort, l’Allemagne garantit à l’Autriche les bénéfices du traité de Berlin. L’Italie, ayant adhéré à l’alliance conclue par Andrassy et Bismarck, a pris les mêmes engagemens ; mais il paraît certain qu’aujourd’hui une guerre entre la Russie et l’Autriche ne trouverait pas les armes de l’Italie du côté de son alliée. Il y a donc, ici encore, quelque chose de changé.

Que la Russie et l’Autriche fassent partie d’alliances et d’ententes adverses, c’est ce qui donnait tant de prix à l’accord établi entre elles en 1897 et renouvelé à Mürzsteg. L’entente austro-russe était, entre la Triplice et la Duplice, la voie naturellement ouverte à d’utiles rapprochemens, à des conversations nécessaires. La rupture de cette entente peut avoir les plus graves conséquences. Si l’Autriche-Hongrie se contente de suivre, à l’intérieur de ses frontières, une politique plus « slave, » on peut espérer qu’un rapprochement avec la Russie redeviendra possible ; mais, si elle cherche à prendre, en face de la Russie, le patronage des Slaves du Balkan, la guerre deviendra inévitable. Or les savantes combinaisons de contre-assurances et de contrepoids, si efficaces pour le maintien de la paix, deviennent, une fois la guerre commencée sur un point, l’engrenage fatal qui y précipite tous les peuples. Qu’un conflit vienne à éclater entre la Serbie et le Monténégro d’une part et l’Autriche de l’autre, et que la pression de l’opinion publique y entraîne la Russie, voilà le feu mis à l’Europe : la Triple-Alliance oblige l’Allemagne à seconder son alliée ; son entrée en lice entraîne la nôtre par le jeu automatique de la Double Alliance ; l’Angleterre suit. Il n’y aurait peut-être, dans toute l’Europe, à rester spectateurs de l’effroyable mêlée, que l’Espagne et le Portugal, la Suède et la Norvège !

le péril est si réel et si sérieux que le gouvernement de Berlin a fait entendre à Vienne des paroles d’apaisement, des conseils de prudence. La violente irritation de l’opinion italienne est, pour l’Allemagne, dans les circonstances difficiles qu’elle traverse, un sujet d’inquiétude. Elle appréhende aussi de se trouver dans l’obligation de soutenir l’Autriche son alliée, contre la Turquie son amie. Entre Vienne et Pétersbourg,