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voulu être des vassaux à sa discrétion. Il n’avait point, comme son chancelier, facilité les concessions nécessaires, et il était resté fidèle aux vieilles traditions de la royauté.

Enfin. le 14 janvier, Guillaume écrivit aux princes allemands qu’il acceptait de revêtir la dignité impériale et, voulant les rassurer pleinement, il consentit à déclarer qu’il avait « le ferme dessein d’être, par la grâce de Dieu, comme prince allemand, le fidèle protecteur de tous les droits et de diriger l’épée de l’Allemagne pour la protection de la patrie. » Le 15 janvier, Guillaume autorisa la proclamation de l’Empire dans la galerie des Glaces, en laissant le prince royal s’occuper des préparatifs de la cérémonie. Un grand pas était fait. Cependant, tout n’était pas encore terminé. Sur la question du titre s’élevèrent tout à coup des difficultés considérables qui durèrent jusqu’au matin même de la proclamation de l’Empire. Le Roi, qui avait voulu pendant si longtemps rester roi de Prusse, acceptait maintenant d’être Empereur ; toutefois, de crainte de voir sa puissance limitée, il refusait le titre ai : Empereur allemand proposé par le roi de Bavière et les princes, voté par le Reichstag et inséré dans la Constitution. Il tenait à être proclamé « Empereur d’Allemagne, » ce qui, à son avis, reconnaissait et affirmait mieux tous ses droits. Une discussion très longue et très vive eut lieu à ce sujet entre le Roi, le prince royal et Bismarck. Le grand-duc de Bade et le prince soutenaient le chancelier d’une manière discrète, mais, si discrète qu’elle fût, elle offensa le vieux souverain. S’il eût été seul avec son fils, le différend n’eût pas été violent ; mais devant le chancelier, il n’admettait pas que le prince royal ne fût pas tout à fait de son opinion. Il le dit avec énergie et il déclara qu’il voulait être « Empereur d’Allemagne » ou ne pas être empereur du tout. Bismarck fit remarquer avec calme et avec patience que la formule d’ « Empereur allemand » avec l’adjectif et celle d’ « Empereur d’Allemagne » avec le substantif, étaient très différentes au point de vue de la langue et de l’histoire. On avait dit autrefois « Empereur romain » et non pas « Empereur de Rome. » Le Tsar s’appelait « Empereur russe, » et non « Empereur de Russie. » Guillaume contesta ce fait. Bismarck le maintint, mais le Roi ne voulut rien entendre. Le chancelier présenta d’autres motifs. Sous le grand Frédéric et sous Frédéric-Guillaume II, les thalers portaient Borussorum et non Borussiæ rex. Enfin, le titre