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empressement toutes les occasions d’entretenir avec elles l’entente la plus cordiale. » Un mois après, il écrivait à Wimpfen qu’il était de l’intérêt des deux gouvernemens d’éviter toute discussion au sujet du traité de Prague. On ne pouvait paraître ni plus oublieux du passé, ni plus conciliant. Bismarck accueillait avec une satisfaction apparente ces protestations cordiales, mais, devant ses intimes, il exprimait sa défiance et ne pardonnait pas à M. de Beust de songer encore à une médiation, et de provoquer secrètement les autres puissances à intervenir en faveur de la France. Qu’aurait-il dit, s’il avait su que l’ambassadeur d’Autriche, M. de Bruck, conseillait sous cape au prince Otto de Bavière d’engager Louis II à ne point proposer le rétablissement de l’Empire ?

Cependant, le roi de Bavière avait appris que Bade et la Hesse avaient consenti à entrer dans la Confédération du Nord à certaines conditions concernant les impôts indirects, les postes, le droit de péage et l’indépendance de leur armée. Il savait que le mouvement unitaire s’accentuait dans son propre royaume et il commençait à se demander s’il ne pourrait pas tirer quelque bénéfice de l’adhésion à la Confédération et obtenir le Palatinat badois. Alors le chancelier, qui connaît ses hésitations, menace les négociateurs bavarois de la pression populaire et du ressentiment du Reichstag. Ceux-ci veulent bien concéder au Président de la Confédération des droits plus étendus, mais sollicitent et obtiennent des réserves sur la législation fiscale, les postes et télégraphes, ainsi que l’entrée dans le comité des Affaires étrangères du Bundesrath avec la Saxe et le Wurtemberg, puis le second rang en Allemagne et la présidence du Conseil fédéral en l’absence du ministre prussien. Bismarck accorde tout cela. Que lui importe ? Il s’agit à tout prix d’atteindre le but. « J’ai du travail par-dessus la tête, écrit-il à sa femme, mais j’arrive à un résultat avec la Bavière et le Wurtemberg. Je m’en réjouis et j’en oublie le tourment anglo-russe[1]. » L’état-major continue à lui donner des inquiétudes par sa vanité arrogante. Le chancelier redoute quelque mauvaise surprise. « Les régimens nous tirent d’affaire, mais pas les généraux. » Le 23 novembre, le Wurtemberg cède à son tour et Bismarck peut s’écrier : « L’unité allemande est

  1. En recevant le 19 novembre la note de Gortrhakof qui s’empressait de dénoncer le traité de 1856, le chancelier s’était écrié devant le prince royal : « Les imbéciles ont commencé quatre semaines trop tôt ! »