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maison de Prusse et la maison de Bavière ? Les idées de Louis II paraissaient être celles d’un agité. Au milieu des pourparlers, il menaçait tout à coup d’abdiquer. Et, au même moment, le roi de Wurtemberg se dérobait à son tour. Tremblant devant les menaces des particularistes qui défendaient avec passion l’indépendance du royaume, ce prince télégraphia le 11 novembre à Mittnacht et à Suckow de surseoir à toute signature et d’attendre la décision de la Bavière.

L’irritation de Bismarck fut extrême. « Mes barbouilleurs d’encre, écrivait-il à sa femme, manœuvrent nuit et jour et intriguent à la façon de Francfort. À moins qu’un ouragan allemand ne tombe au milieu d’eux un de ces jours, nous n’arriverons à rien avec ces diplomates et ces bureaucrates de la vieille école, du moins pour cette année. » Il gémissait de son travail de galérien, de son existence pauvre en distractions, « épicée tout au plus par des visites de messieurs haut placés dont je combats, disait-il, les utopies politiques… Les affaires allemandes, ajoutait-il, donnent le plus de besogne. De cette dernière, Delbrück assume la plus grande partie, seulement il ne peut pas se débarrasser des princes, ni des Européens… Il part cet après-midi. Dis-lui combien je lui suis reconnaissant de son inépuisable et fertile force de travail. » La Bavière opposait des difficultés nouvelles aux désirs du chancelier, mais un diplomate américain, Bancroft, très au courant des événemens, mandait le 10 novembre à sir Hamilton Fish : « La Bavière tiendra un peu plus longtemps : toutefois, l’opinion publique est décidée à ne pas laisser arrêter la consolidation de l’union par les scrupules d’un opposant entêté. » Il y avait bien encore quelques autres velléités de résistance dans certaines cours du Sud, mais Bismarck, qui avait fait saisir au château de Cernay les papiers secrets de Rouher, menaçait ces cours de révéler certaines correspondances contre la Prusse échangées entre elles et l’ancien ministre français, et cette menace fut de nature à hâter les négociations.

Une scène très vive éclata le 14 novembre à Versailles entre lui et le prince royal. Bismarck demandait au prince ce qu’il faudrait faire contre les Allemands du Sud. Convenait-il de les menacer ? « Il n’y a pas de péril à le faire, répondit le prince. Montrons-nous fermes et impérieux, et vous verrez que j’avais raison de dire que vous n’avez pas assez conscience de votre force. »