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fois devant leurs tables de travail, étaient attachés los uns aux autres par leurs perruques comme le légendaire Roi des rats ! » Mais il dédaigne les intrigues et les petitesses de ses ennemis. Il ne redoute ni les princes, ni les généraux, ni les conseillers intimes. Il n’est pas de ceux qui disaient avec découragement : « Il ne faut pas compter sur la Bavière ! » Il veut arriver, il arrivera quand même à son but, l’unité allemande, et il envoie, avec ses instructions, l’habile Delbrück à Munich. Celui-ci, qui avait déjà obtenu l’adhésion de la Saxe, cherche à s’entendre avec le comte de Bray, ministre de Louis II, et avec M. de Mittnacht, ministre du roi de Wurtemberg. Le Bavarois refuse d’abord d’entrer dans la Confédération du Nord. Le Wurtembergeois semble hésiter. Delbrück calme l’effroi de l’un et apaise la résistance de l’autre. Il amène le comte de Bray à prendre pour base des pourparlers le texte de la Constitution fédérale du Nord. Il promet d’écarter tout ce qui pourrait porter atteinte à l’indépendance des alliés. M. de Mittnacht commence à approuver. Le 20 septembre, Delbrück les quitte, persuadé que bientôt les ministres de Bavière et de Wurtemberg accepteront les grandes lignes de la Constitution fédérale. Sa conviction est telle qu’il ose écrire : « L’unité allemande est assurée ! » Bismarck satisfait invite alors le grand-duc de Bade à renouveler sa demande d’accession à la Confédération du Nord, afin de provoquer les Bavarois et les Wurtembergeois à faire de même. Cette première partie avait été bien jouée. Il s’agissait maintenant de bien jouer la seconde, plus difficile encore, c’est-à-dire d’amener le Roi et le prince royal à accorder les concessions nécessaires pour déterminer l’unité complète. Ce fut une lutte véritable. Elle se déroula à Versailles et dura jusqu’au matin du 18 janvier 1871, quatre grands mois pendant lesquels, à chaque instant, le chancelier redouta l’écroulement subit de ses combinaisons. « Delbrück arrive, écrit le prince royal dans son journal à la date du 6 octobre, et dit que la Bavière veut conclure une alliance à propos de l’entrée dans la Confédération, mais sous réserve d’avoir sa diplomatie et son armée indépendantes. Les ministres sont divisés entre eux et rapportent des opinions contradictoires du Roi. » Ce n’était pas tout à fait exact, et l’on comprend que le chancelier, devant cette assertion du prince royal, devait être assez embarrassé. Aussi décrivait-il ses ennuis à sa femme qui devenait sa confidente, et lui faisait-il part des désaccords que le projet de la nouvelle