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au titre royal, quelque chose comme une fonction subalterne dont s’était peu soucié le grand Frédéric et que lui, il appelait ironiquement « Charakterisierter Major, le commandant honoraire. » Il avait plus d’estime pour la grandeur de la Prusse que pour l’unité constitutionnelle de l’Allemagne. Il se croyait plus grand et plus fort comme roi héréditaire que comme empereur élu. Sa résistance et ses exigences allaient soulever de longues et pénibles difficultés.

Le prince royal, au contraire, et quoi qu’en ait dit Bismarck, était très impérialiste. Il aurait désiré faire de toutes les monarchies allemandes un seul et même Empire avec une Chambre haute dont feraient partie les princes, avec un Reichstag élu directement par la nation, et un ministère responsable. Mais il n’entendait pas qu’il y eût des princes dominans et des Etats indépendans[1], Il voulait l’unité. absolue, opérée par la menace et par la force, s’il le fallait. Un moment il avait pensé au titre de « roi des Allemands, » mais Bismarck lui avait démontré que ce titre n’offrait pas de meilleures garanties que celui d’empereur. Le chancelier ajoutait qu’à côté de l’empereur, du roi de Germanie, ou du roi des Allemands il se trouverait des rois de Bavière, de Saxe et de Wurtemberg. Le prince s’irrita. « Je fus surpris, rapporte Bismarck, de l’entendre déclarer que ces dynasties devraient cesser de porter le titre de roi pour reprendre celui de duc. J’exprimai la conviction qu’elles n’y consentiraient pas de bonne grâce. Si on voulait au contraire employer la force, ces mesures coercitives ne seraient pas oubliées pendant des siècles et sèmeraient la méfiance et la haine. » Ainsi raisonnait un profond politique qui soutenait l’unité pour la plus grande gloire et le meilleur profit de la race germanique, tout en conservant habilement aux petits monarques et à leurs sujets une certaine indépendance, en ménageant leur amour-propre et leurs traditions. Quant au titre d’empereur que le roi semblait dédaigner, le chancelier répondait : « Votre Majesté ne peut pas rester éternellement un substantif neutre, das Præsidium ? Présidence est une abstraction. Empereur indique au contraire une grande force, un être puissant. » Il soutenait que l’élargissement de la Confédération nécessitait l’adoption par le Roi du titre

  1. Il oubliait qu’il avait écrit dans son Journal : « Que de grands devoirs nous impose l’attitude de ce peuple qui a des sentimens si allemands ! Ce serait sage d’admettre certaines de ses prétentions. »