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résolues si chaque chef a un nombre limité d’unités à commander et s’il comprend bien son rôle en n’empiétant jamais sur l’autorité de ses subordonnés.

L’objection la plus sérieuse est l’accroissement de la longueur des colonnes. Mais cela présente d’autant moins d’inconvénient que le combat moderne se développe et se conduit de plus en plus lentement, comme nous le verrons plus loin. Dans une bataille d’une durée de plusieurs jours, l’infanterie la plus éloignée aura toujours le temps d’arriver. En Mandchourie, des troupes de réserve, portées d’une aile à l’autre de l’énorme front occupé par l’armée russe, se trouvèrent en temps opportun au point où elles devaient opérer.

Ces objections sont sans valeur devant la nécessité de ne pas rester dans un état d’infériorité notoire vis-à-vis de nos adversaires possibles.

L’insuffisance de notre natalité ne nous permet pas d’entretenir un nombre de corps d’armée égal à celui des corps allemands ; mais nous devons maintenir une juste proportion entre les différentes armes. Or les Allemands, avec leur corps d’armée à 24 ou 25 bataillons et 144 bouches à feu, ont 5,76 canons par mille hommes, tandis que notre corps d’armée à 32 bataillons (sans compter les chasseurs à pied) ne possède que 92 pièces, ou 2,88 par mille hommes ; juste la moitié. Une pareille situation est intolérable, ne fût-ce qu’au point de vue moral. Jamais l’on ne persuadera au fantassin qu’avec une telle disproportion il ne se trouve pas dans un état de très réelle et très dangereuse infériorité. Un pareil sentiment annulerait chez lui l’esprit d’offensive, facteur le plus important du succès.

L’augmentation de notre artillerie s’impose donc ; je dirai même qu’elle doit être réalisée le plus vite possible, mais sans précipitation, car il n’y a pas péril en la demeure.

En effet, notre pièce de 75 est incontestablement supérieure au nouveau canon allemand, comme rapidité de tir, facilité de service, aptitude au tir masqué et enfin comme puissance. De plus, nos officiers, rompus depuis dix ans au maniement de cet engin perfectionné, qui réclame une très grande habileté, ont et conserveront quelque temps encore une supériorité marquée sur les officiers allemands. Tous ces élémens en notre faveur disparaîtront peu à peu.

Mais ce qui domine tout le débat, c’est la question du ravitaillement