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La découverte de sa fuite et de sa présence à Laï Chau était due à des causes bien imprévues. Pendant le passage du prince à Yen Bay, l’interprète annamite du colonel commandant le territoire avait reconnu son fils dont il avait été le condisciple au collège Taberd. Cet incident concordait avec des renseignemens communiqués par la Légation de France à Bangkok qui avait signalé, d’après la Légation anglaise, une agitation insolite dans la colonie birmane de Paï-Lin. Un agent français de la police saïgonnaise, chargé d’aller constater la présence de Myngoon dans son hôtel, avait été victime du stratagème imaginé pour dissimuler sa fuite et, gravement, il avait rendu compte que les craintes n’étaient pas fondées, car le prince accomplissant sa retraite annuelle ne songeait qu’à de religieuses méditations. Les soupçons étaient déjà dissipés et le prétendant se trouvait depuis quelques jours à Laï Chau lorsque la vérité se dévoila. Un soir, dans un diner officiel offert par le lieutenant-gouverneur de Cochinchine aux notabilités de Saïgon, les convives causaient du permanent conflit entre les polices municipale et judiciaire ; la discussion entre les chefs de ces deux services ne tarda pas à s’aigrir ; on se reprocha mutuellement des négligences et des erreurs. Le maire, M. Blanchy, que l’interprète Sinassamy avait récemment consulté au nom du prince absent pour le règlement de quelques questions financières, connaissait ainsi le départ de Myngoon dont il s’était toujours montré l’ami sûr. Il crut pouvoir se servir de cet argument pour terrasser son adversaire : « Oui, votre police est mal faite, affirma-t-il au procureur général ; elle dort ; elle n’avait guère qu’une personne à surveiller en Cochinchine : c’était le prince Myngoon. Or, le prince Myngoon est parti depuis quinze jours et vous n’en savez, rien. Et si je vous l’apprends, c’est qu’il doit être aujourd’hui hors de votre atteinte. » Au milieu de la stupéfaction générale, M. Blanchy se montra si affirmatif et si précis que, le lendemain, le lieutenant-gouverneur devait se rendre à l’évidence. L’émotion fut considérable. On rechercha les traces des fugitifs ; la saisie des correspondances adressées à l’hôtel de la rue Richaud fit surprendre un télégramme adressé à sa femme par le serviteur du prince ; on apprit ainsi que Myngoon préparait à Laï Chau sa dernière et décisive étape. On prescrivit alors à plusieurs chefs de poste une marche concentrique sur cette ville pour arrêter le prétendant. Un officier cambodgien, qui se trouvait par hasard dans la région, devait seul