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que lui inspirait sa rapide, mais exacte observation du personnage. On comprit que la résolution du prétendant était inébranlable ; on le laissa débarquer et séjourner librement à l’hôtel ; entre Saigon, Paris, Pondichéry et Londres le télégraphe fonctionna. Le résultat de cette agitation fut un modus vivendi que le résident général, M. Picquet, proposa au prétendant et que celui-ci accepta. Le prince Myngoon recevrait une pension de 15 000 francs, la libre disposition d’une vaste et confortable maison de Saigon ; les frais de l’éducation de ses enfans seraient à la charge de la Cochinchine, ainsi que le traitement d’un interprète indien spécialement attaché à sa personne ; il pourrait circuler librement dans les possessions françaises d’Indo-Chine en indiquant à l’avance son itinéraire au gouverneur ; il promettait de ne pas faire de nouvelle tentative contre la domination anglaise en Birmanie sans l’assentiment du gouvernement français.

En se soumettant à ces obligations, Myngoon espérait que sa demi-captivité serait de courte durée. Les discussions entre la France et l’Angleterre au sujet de la Haute Vallée du Mékhong enlevaient toute cordialité aux relations des deux pays. Le prince, renseigné par ses agens et ses amis sur tous les incidens de politique générale, supposait que la guerre ne tarderait pas à éclater et que le gouvernement français le lancerait en Birmanie pour lui faire opérer une puissante diversion. Des explorateurs, des diplomates, plusieurs notables personnalités de Saigon l’entretenaient dans cette illusion, que partageaient d’ailleurs tous nos compatriotes d’Extrême-Orient. Pendant cette période d’attente, qui dure encore, Myngoon ne cessa de prêcher la patience à ses fidèles, dont les émissaires accouraient nombreux pour le conjurer de continuer malgré tout son voyage et de prendre la direction de la résistance nationale. Les sobos des Etats chans, surtout, se rendaient compte des progrès lents, mais sûrs, effectués par les Anglais ; ils voyaient le temps diminuer les chances de succès d’une insurrection que les autorités chinoises de la frontière proposaient alors de soutenir pour les mêmes raisons qu’au Tonkin. Des chefs de bande qui avaient longtemps guerroyé contre nous dans la région de Lao-Kay offrirent même de se mettre à la solde du prétendant et de reprendre la campagne contre les Anglais. Toutes ces instances furent inutiles. Myngoon s’était cloîtré dans son hôtel de la rue