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sous leurs vêtemens, il partit pour le palais de son oncle et fut assez heureux pour éviter la troupe d’émeutiers soudoyés qui l’attendait sur le chemin. Suivi de ses compagnons il pénétra dans le palais, fut reconnu trop tard par la garde, et força les portes de la salle où l’Aengshée Min entouré des ministres attendait les nouvelles en escomptant le succès de sa conspiration.

Myngoon ne s’attarda pas à d’éloquens discours ; les instans étaient précieux, car l’on entendait accourir les soldats de Kanoung Meng. Tandis que le prince clouait d’un coup de poignard son oncle sur la table du Conseil, sa troupe massacrait sans pitié la plupart des conjurés ; les autres, ayant pu s’enfuir, courent jusqu’au palais royal où ils épouvantent le vieux souverain par des récits mensongers sur les causes et le but du coup de force que ses fils avaient accompli. Min Doon, qui savait l’histoire de sa dynastie, craignit à son tour pour sa propre existence. Il quitta aussitôt sa résidence d’Amarapoura, rentra précipitamment presque seul, à pied, dans la capitale et s’enferma dans son palais sous la protection d’une garde fidèle pour échapper à l’assassinat qu’il redoutait.

Cependant l’événement était connu à Mandalé. La foule manifesta sa joie d’être délivrée de la tyrannie de l’Angshée Min dont les fils furent presque tous assassinés par leurs propres soldats, en pillant sa résidence, en massacrant ses serviteurs et ses cliens. Myngoon et son frère, acclamés comme les libérateurs du peuple qui aurait applaudi à leur mort si le complot de Kanoung Meng avait réussi, comprirent qu’ils devaient sans retard se justifier auprès de leur père, calmer ses appréhensions en lui démontrant qu’il leur devait la couronne et la vie, et se proclamer ses sujets les plus dévoués. Mais, en recherchant le Roi dans le palais abandonné d’Amarapoura, ils perdirent un temps précieux. Lorsqu’ils se présentèrent au palais de Mandalé, escortés de leurs amis et d’une foule en délire, le commandant de la garde les considérant comme des chefs de factieux s’opposa vigoureusement à l’exécution de leur projet ; le vieux souverain, à qui le tumulte de sa capitale rappelait trop la révolution de 1851 et la déposition de son frère Pagan Min, refusa d’accorder à ses fils l’entrevue qu’ils sollicitaient. Cette décision malheureuse changea les destinées de la Birmanie : Myngoon, placé dans l’alternative d’accepter à son profit les conséquences de sa popularité ou de s’exiler volontairement, quitta le pays ; son