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cultivées. Ou elles n’y peuvent servir, et alors, plutôt qu’elles, cultivons notre jardin. Je peux avoir des curiosités, en art, en littérature, en mathématiques même : en politique, j’ai des besoins.

Trop de brouillards allemands ou anglais ont déjà enrhumé le cerveau latin. Si la sociologie n’est qu’une logie, qu’un bavardage de plus, ou, en mettant les choses au mieux, une hypothétique philosophie de l’histoire des sociétés, je n’en ai que faire. Nous n’avons que faire d’une science politique qui ne peut servir à rien. Et, pour le citer une dernière fois, ce n’est pas de la sorte qu’Auguste Comte l’entendait. Il dit bien : « On doit reconnaître que les phénomènes sociaux, en vertu de leur complication supérieure, doivent exiger un plus grand intervalle intellectuel qu’en aucun autre sujet scientifique, entre les conceptions spéculatives, quelque positives qu’elles puissent être, et leur finale réalisation pratique. » Seulement il se hâte d’ajouter : « Dès l’origine de la nouvelle philosophie politique » se manifeste « la correspondance générale et continue entre la science et l’application. Les véritables hommes d’Etat pourront ainsi équitablement apprécier s’il s’agit ici d’un vain exercice intellectuel ou de principes philosophiques, réellement susceptibles de pénétrer finalement avec efficacité dans la vie politique actuelle[1]. » Sur ce grand intervalle, qui pourrait creuser entre la science et la vie un abîme d’indifférence. d’ignorance, d’incohérence empirique et d’erreur, il n’est, par aucune loi de l’esprit, interdit de travailler à jeter un pont.


CHARLES BENOIST.

  1. Cours fie philosophie positive, t. IV ; Physique sociale, 46e et 48e leçons p. 177 et 256.