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à faire reposer le régime moderne sur la science et sur l’industrie, et, pour le distinguer de l’autre, à le qualifier spécifiquement de « scientifique et industriel. » Voilà le fond et la fin, la raison et l’objet de la crise : « Il n’est point douteux, en effet, que le développement continu et la propagation croissante des sciences, de l’industrie, et même des beaux-arts, n’aient été historiquement la principale cause originaire, quoique latente, du système théologique et militaire, dont les pertes spontanées eussent paru, sans cela, susceptibles d’une réparation praticable. Aujourd’hui, c’est surtout l’ascendant graduel de l’esprit scientifique qui nous préserve à jamais d’aucune résurrection réelle de l’esprit théologique, dans quelques aberrations rétrogrades que le cours des événemens puisse momentanément tendre à entraîner la société : de même, sous le point de vue temporel, l’esprit industriel, chaque jour plus étendu et plus prépondérant, constitue certainement la garantie la plus efficace contre tout retour sérieux de l’esprit militaire ou féodal. Quoique les luttes politiques ne soient pas encore ostensiblement établies entre ces deux couples de principes, tel n’en est pas moins, au fond, le caractère actuel de notre véritable antagonisme social[1]. »

« Le développement continu et la propagande croissante des sciences, de l’industrie, et même des beaux-arts, » ce chemin nous ramène assez haut vers le début des temps modernes, la Réforme et la Renaissance. En ne considérant même, dans un si vaste développement, que le point très particulier de la « réhabilitation des arts manuels, » on pourrait remonter jusqu’à la première partie du XVIIIe siècle, jusqu’à la fin et munie jusqu’au commencement du XVIIe jusqu’à François Bacon, à qui les philosophes du XVIIIe siècle, — d’Alembert et Diderot entre autres, — disent avoir beaucoup emprunté. cette réhabilitation, qui, avec Rousseau et par lui, tournera à la glorification, est dans chaque article de l’Encyclopédie ; elle est dans le Discours préliminaire où l’on sent tout bas frémir, en ce qui touche les ouvriers, un esprit nouveau ; et on l’y suivrait mieux, si l’ordre alphabétique ne l’y disséminait presque ligne par ligne. Ce n’est pas encore la littérature sociale, ni surtout la littérature spécialement ouvrière, dont l’apparition est un fait plus récent de

  1. Aug. Comte, Cours de philosophie positive, t. IV ; Physique sociale, 46e leçon, p. 18-19.