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caractères permanens que ne peut manquer de garder, au long des siècles, le travail, défini « l’action de l’homme, » — toujours le même, — « sur les choses, > — toujours les mêmes. — Encore faudra-t-il voir jusqu’à quel point l’homme et les choses demeurent les mêmes à travers les temps, ce qui, en lui et en elles, ne change pas et ce qui change. C’est principalement la différence des milieux qui fait la différence des régimes. D’où l’extrême importance de ce que nous avons nommé et de ce que nous nommerons les « circonstances du travail, » circonstances de l’ensemble desquelles doit se dégager ce qu’on a nommé et ce que nous-mêmes nommerons « la constitution du travail » dans l’Etat moderne, au commencement du XXe siècle, en France, tant que notre régime politique et économique conservera cette physionomie, composée de tels et tels traits. Connaître les circonstances du travail est le premier effort à faire et le premier pas à franchir pour en « découvrir la constitution. » Voici sans doute entre l’ancien milieu social et le nouveau, par conséquent entre l’ancien et le nouveau régime du travail, une des différences les plus profondes. Bien que l’ancien régime ait vu naître la plupart des conflits, à l’occasion du travail, qui se multiplieront et s’exaspéreront sous le nouveau ; encore que, sous l’ancien régime, les ordres missent entre les hommes une séparation politique, et les corporations une séparation économique, les uns se retranchant dans leurs maîtrises et jurandes partout où il en existait, et de plus en plus à mesure que le temps engendrait les abus, les autres dans leurs compagnonnages, eux aussi de plus en plus tyranniques ; quoique l’Etat moderne soit libéré de cette double servitude ou du moins de ces anciennes formes d’une double servitude, cependant, en général, on peut dire que d’homme à homme, sinon de position à position sociale, la barrière était moins haute dans l’ancien que dans le nouveau régime du travail. Dans le régime ancien, il y avait plutôt association entre le patron et l’ouvrier, ou leurs équivalons, entrepreneur, maître, artisan, compagnon ; dans le nouveau, il y a plutôt opposition.

De par les nécessités de l’industrie, qui groupent le capital et concentrent le travail, le capital est d’un côté, le travail est de l’autre. L’ouvrier, hors du travail, n’est plus « à pain et à pot » chez le patron ; il n’y a plus sa place « au feu et à la chandelle. » Comment y serait-il, comment l’y aurait-il ? Ils sont