Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se trouvera réuni aux points prescrits qu’à la double condition d’êlre permanent et de dépendre de la marine.

Comment, dira-t-on, la marine accepte-t-elle une situation qui présente de si redoutables responsabilités ? Ce n’est pas faute d’avoir élevé des protestations très vives. Une fois de plus ici, après tous les préfets maritimes, nous réclamons une refonte complète de la défense des côtes. Nous demandons avec instance, pour la marine seule, la charge de combattre l’ennemi flottant ; qu’on lui donne en permanence le personnel nécessaire à une mobilisation réelle, et que l’on cesse de faire cadrer sur le papier des chiffres qui ne répondent pas à la réalité.


En résumé, un malaise général trouble les services et se répercute sur le matériel. On a faussé les mécanismes. Les organes secondaires exercent la prépondérance, après avoir refoulé dans l’ombre les organes de premier plan. Nous n’avons pas la flotte de notre politique d’expansion, et, constatation plus grave, notre flotte ne correspond point aux sacrifices consentis. Du deuxième rang qu’elle occupait, elle tombe au quatrième, en voie, si nous ne prenons d’énergiques mesures, de descendre au cinquième, après le Japon.

D’où provient ce défaut d’organisation, cette incohérence ? En grande partie de l’infiltration de la politique dans la marine. Partout, dans les couloirs du ministère, dans les arsenaux et sur les cuirassés, on trouve la trace de cette politique ignorante des obstacles, des barrières, des impossibilités, des hiérarchies, des services rendus, et qui entraîne après elle la ruine du principe d’autorité, engendre la mollesse des pouvoirs publics, la désagrégation lente, mais sûre.

Peut-on remettre les choses en état ? Oui certes, et, selon nous, à trois conditions.

La première, d’une exécution très simple, dépend du ministre, et de lui seul. Le ministre pourrait enrayer le mouvement, si, restant assez longtemps au pouvoir, il consentait à faire plus de marine que de politique. Autrefois, on ne pouvait guère croire qu’en arrivant rue Royale, le parlementaire choisi allait dépouiller le vieil homme et résister aux sollicitations de ses amis ; qu’il resterait sourd aux imprécations du « petit commerce » des ports ; qu’il fermerait complètement l’oreille aux réclamations d’une municipalité aux abois déplorant la trop