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diverses phases de la fabrication des poudres B… Tout s’opère dans un profond mystère, sans aucune intervention de la marine, qui surveille pourtant ses autres fournisseurs avec un soin scrupuleux. Onze ingénieurs et de nombreux agens techniques contrôlent les matières premières et suivent pas à pas la création des objets commandés à l’industrie. Rien de pareil pour les explosifs. Le producteur agit à sa guise et, quand il livre ses produits, un de ses propres ingénieurs le représente dans la commission de recette, avec voix délibérative. L’artillerie de terre, plus puissante que l’artillerie navale, a vainement tenté de contraindre ce fabricant à soumettre à une commission de membres du service consommateur le coton-poudre destiné à la fabrication de la poudre B… « On ne mord pas sur le granit. »

L’usine du Moulin-Blanc (près de Brest) fournit à la marine le coton-poudre nécessaire au chargement des torpilles. On soumet les recettes de cet explosif à des conditions encore plus originales. Autrefois, la commission comprenait : le directeur de l’établissement, un ingénieur des poudres et salpêtres et un lieutenant de vaisseau représentant le service preneur, qui, de la sorte, se trouvait en minorité. C’était une façon nouvelle de comprendre les recettes de matériel, c’est-à-dire les achats à un fournisseur.

Depuis la suppression de la direction des Défenses sous-marines dans les ports, on a éliminé tout simplement la voix de l’utilisateur, en substituant un artilleur au lieutenant de vaisseau.

À la vérité, le ministre, au vu du procès-verbal, peut faire procéder à une contre-épreuve par un service qu’il désigne. Mais, en cas de désaccord entre les deux départemens à la suite de la contre-épreuve, le comité consultatif des poudres et salpêtres, c’est-à-dire le fabricant, décide en dernier ressort.

Ainsi, l’artillerie navale transmet à la marine le coton-poudre, comme elle lui transmet la poudre B. Une fois les explosifs livrés, le service producteur s’en désintéresse, abandonnant aux artilleurs la surveillance et la responsabilité, aux marins le danger. Car l’utilisateur, ignorant à peu près tout des poudres sans fumée, sait qu’à bord des navires, il vit sur un volcan et que les altérations de ces poudres causent parfois des relèvemens de pression assez importans pour rendre le réglage du tir difficilement réalisable.

Malgré ces inconvéniens, contraint et forcé, il accepte la