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chambre de tir. Pourquoi pas tous les dispositifs de manœuvre des canons, aussi bien les monte-charges que les appareils de pointage et de visée ? S’il en était ainsi, peut-être n’aurait-on pas la surprise de constater l’installation d’un seul monte-charge pour deux pièces dans chacune des grosses tourelles du Charlemagne et du Gaulois. Cette disposition, tout à fait insuffisante, ne permet de desservir qu’un seul canon.

Artilleurs et ingénieurs s’entendent souvent, pas toujours, ainsi qu’en témoigne ce dialogue, arrangé sans doute, comme certains mots historiques, pour les besoins de la cause, mais qui résume bien la situation :

— Faites-nous des soutes moins chaudes, demandent les artilleurs.

— Donnez-nous des poudres plus stables, répondent les ingénieurs.

Plusieurs questions découvrent ces points de vue différens. Prenons pour exemple les tourelles. L’ingénieur, limité par le déplacement et assailli de demandes pour y faire entrer des élémens imprévus, sans cesse en lutte contre la surcharge, tente de réduire au minimum les dimensions des tourelles, afin d’en diminuer le poids. L’artilleur, au contraire, que n’hypnotise point le nombre des tonnes du déplacement, réclame, avec raison, des tourelles plus vastes. On ne saurait en effet s’inspirer du seul souci de loger les pièces. Ne faut-il pas manœuvrer les canons, les charger, les pointer, les tirer ? Songeons donc aussi aux servans.

Jusqu’ici, le génie maritime a imposé ses vues sur ce point. On a tellement réduit les dimensions des tourelles du Desaix que le servant de hausse n’y manœuvre qu’avec difficulté. Le pointeur ne peut pourtant faire tout lui-même. L’exiguïté des tourelles des cuirassés Patrie et République, entrés à peine en service, n’est plus un secret.

La difficulté que le personnel éprouve à se mouvoir dans ces espaces trop resserrés occasionne des retards sérieux : les Anglais tirent deux fois plus vite que nous[1].

Donc, artilleurs et ingénieurs collaborent à la même œuvre d’une manière intermittente et, parfois, ils suivent des routes

  1. On assure qu’à l’avenir ces accidens disparaîtront, le ministre ayant ouvert un concours entre les fabricans français de tourelles pour les unités en chantier. L’avenir montrera si cette assurance est fondée.