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vous pourriez m’écrire directement ; mais j’acquiers de jour en jour plus de certitude que mes lettres ne m’arrivent pas exactement, quand elles viennent de l’étranger, et que je suis rarement le premier à lire celles qui m’arrivent.


{{c|Mary Clarke à Fauriel[1].


23 juin, Cold-Overton.

Mon ange,

I begin to pine very much after a letter. Je vous avais dit de m’écrire à Edimbourg : ainsi, heureusement, c’est de ma faute ; mais un des enfans est malade[2], ce qui retarde notre voyage jusqu’à son l’établissement qui sera Dieu sait quand. J’ai écrit hier à quelqu’un à Edimbourg d’aller à la poste voir s’il y en avait pour moi, je vais compter les jours. Dieu, une lettre de vous, une première lettre ! Dites-moi, cher, pensez-vous bien à moi, m aimez-vous bien de toute votre âme ? Regardez, j’ai effacé tout cela d’analyse parce que cela vous déplaît. Certainement, j’aurais dû naître dans le temps des cours d’amour où on faisait des recherches délicates sur ces matières ; je suis sûre que j’aurais eu une place de professeur à Toulouse ou quelque part par là, je suppose ; et à présent vous me grondez pour mon génie ! Il y a huit jours que je suis à la campagne chez ma sœur et qu’une vie calme et tranquille commence à rétablir un peu ma santé. Je passe toutes mes matinées seule avec les arbres et les oiseaux, couchée sur l’herbe et pensant à vous. Les premiers jours, c’était délicieux, cela valait votre présence réelle, presque ; je me trouvais même mal de pouvoir être si heureuse sans vous à mes côtés ; mais vous y étiez en imagination et j’ai éprouvé de certains momens où l’idée de vous me remplissait de tant de bonheur, que vous-même n’eussiez pas valu plus ; mais à présent je voudrais plus. C’est si froid, l’écriture sans la voix, les caresses ! Qu’est-ce que les paroles : « je vous aime ? » (Elles] semblent de la glace quand je les sens si en vie en moi Mon cher ange, je finirais par pleurer...

  1. La ponctuation manque presque entièrement aux lettres de Mary Clarke : nous l’avons rétablie autant qu’il le faut pour les rendre intelligibles ; de même, tout en respectant son « charabia » et son orthographe, il nous a bien fallu y faire quelques très légères retouches.
  2. Il s’agit sans doute des enfans de la sœur de Mary, mistress Frewen Turner.