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en pleine contradiction ; on parle toujours de fixation au sol, de Heimstätte et l’on déracine ceux qui sont attachés à une terre dont ils ont hérité[1].

Quant à la hausse du prix des terres, qualifiée d’immorale par le prince de Bülow, un député conservateur, partisan de la loi d’expropriation, trouva qu’elle était normale et l’expliqua par l’accroissement de la population et de la richesse[2].

Enfin, on fit abstraction du point de vue polonais, on s’éleva de l’ordre matériel à l’ordre moral pour juger le projet du point de vue de la justice ; car, si dans la politique extérieure on ne peut pas toujours obéir aux principes des commandemens chrétiens et au sentiment du juste et de l’injuste, dans la politique intérieure, du moins, on doit absolument gouverner selon la justice[3]. A ceux qui demandaient, pour voter la loi, que le gouvernement garantît un succès complet et décisif, on répliqua : Le succès ne doit jamais justifier une mesure. Il vaudrait mieux dire, plus franchement : la force prime le droit. De tels principes mettent au jour le matérialisme politique de l’Allemagne[4].

Un membre de la Commission de la Chambre des seigneurs, après avoir défini le sens social de la propriété, avec une autorité et une science qui dénoncent le cardinal Kopp, développa les considérations suivantes : « Toutes les discussions démontrent d’une façon formelle que le sentiment moral se révolte contre cette mesure. La sourde inquiétude, le cœur navré, les nombreux doutes qui se soulèvent contre le but et le bien fondé de ce projet disent qu’elle est en contradiction avec la conscience morale. Cette contradiction éclate par delà les frontières allemandes. Lu loi sera regardée comme une atteinte à la civilisation et il faut craindre que notre réputation, si menacée et si attaquée, ne coure un nouveau danger. Dans un État voisin en particulier, avec lequel nous sommes étroitement alliés, un vif mécontentement se manifeste qui a pour fondement des raisons morales et qui paraît dangereux pour l’alliance ; il est douteux que le gouvernement soit en mesure de l’apaiser[5]. »

  1. Chambre des seigneurs, Sten. Ber., 30 janvier 1908, p. 22 (cardinal Kopp).
  2. Chambre des députés, Sten. Ber., 29 novembre 1907, p. 97 (M. de Oldenburg).
  3. Chambre des seigneurs, Sten. Ber., 26 février, p. 54 (comte de Mirbach-Sorquitten).
  4. Id., ibid., 30 janvier, p. 23 (cardinal Kopp).
  5. Ber. der IX Kom., p. 67.