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l’attrait d’études purement érudites, telles que son enquête sur la cour d’Espagne au temps de Velasquez. A force de vouloir amasser des documens peu connus, c’est comme si son talent naturel de conteur et de portraitiste avait fini par être étouffé sous le zèle passionné du fouilleur d’archives ; et entre les innombrables personnages de toute espèce dont il nous entretient, Philippe II et Elisabeth, l’ambassadeur Mendoza et le jésuite Parsons, Henri de Guise et le duc d’Albe, vainement on chercherait une figure dessinée avec ce relief vigoureux et simple qui, naguère, nous avait permis d’approcher familièrement son infant Balthasar ou son Olivarès.

Lui-même, d’ailleurs, s’est chargé de nous prouver qu’il n’ignorait pas le ton et la méthode qui auraient convenu à un ouvrage du genre de ceux que nous annonçait le titre de sa collection ; car voici le vivant tableau qu’il a placé au début de l’Introduction de son livre :


Devant une table nue, où se voyaient une horloge de route, une paire de grosses lunettes à branches de corne, et divers autres menus objets, un homme était assis, prématurément vieux à cinquante-deux ans, avec un long visage pâle et maigre et une barbe blanche. Sa grosse lèvre inférieure, très saillante, était toute fendillée et brûlante de fièvre ; et entre elle et la langue, l’homme tenait dans sa bouche une feuille verte, destinée à rafraîchir la lèvre malade. Ses mains et ses pieds étaient déformés par la goutte ; sa robe noire doublée de fourrure pendait, en plis lâches, autour d’un corps qui jadis avait dû être élégant et robuste, mais qu’à présent la maladie avait délabré. A sa droite, de l’autre côté de la table, un Anglais gras et un peu boursouflé, d’âge moyen, assis avec son bonnet à la main et dans une attitude de profond respect, lui faisait entendre un long discours en langue italienne, que le vieillard semblait écouter avec une attention recueillie, tout en s’efforçant péniblement, de temps à autre, à soulever sa main jusqu’à sa toque plate de velours noir, en manière de salut, chaque fois que l’orateur mentionnait le nom de son roi Edouard. Cela se passait dans la petite ville bavaroise de Landau ; et sir Richard Moryson, l’ambassadeur anglais, y était venu à cheval de Spire, à environ vingt milles de là, ce même jour du 4 octobre 1552, pour communiquer son message au plus grand potentat de la terre, l’empereur Charles-Quint.


Mais aussitôt après ce début, l’empereur Charles-Quint ne devient plus pour nous qu’une série d’extraits de lettres et de mémoires ; et nulle part, désormais, M. Hume ne tente plus de nous montrer au naturel les figures diverses dont il ne se lasse point de nous citer mémoires et lettres. Si bien que force nous est de tâcher, pour notre compte, à dégager la signification véritable de ce défilé ininterrompu de petites paroles et de petits faits. C’est nous-mêmes qui avons à